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Chapitre 19: En un croisement de doigts

 

Les semaines passaient agréablement vite. Entre les cours passionnants, les récréations partagées avec mes amis, les entraînements et les matchs de Quidditch (à regarder, notre prochain match était en février), je n’avais pas vu arriver les vacances de Noël.

 

« - Les décorations sont superbes, en tout cas, dit Ethan alors que nous passions devant la Grande Salle.

- Le professeur Salas les a déposées sur le sapin que Hagrid a coupé de la Forêt, murmurai-je avec un sourire.

- Ça fait longtemps qu’on ne lui a pas rendu visite, d’ailleurs, dit Hugo. Il serait content de partager une assiette de cookies pour Noël, non ?

- Je suis totalement d’accord pour la visite, moins pour les cookies Â», rit Ethan.

 

J’avais décidé de passer mes vacances de Noël à Poudlard, avec Hugo et Ethan. Peter avait choisi, pour sa part, de rentrer à la maison. Je n’aurais jamais pensé, avant d’être ici, de passer mes vacances ailleurs que chez moi avec ma famille. Mais être avec mes amis, à Poudlard... C’était merveilleux. J’avais bien sûr demandé à mes parents à l’avance et ils avaient répondu par l’affirmative –ils étaient un peu déçus mais heureux que ça se passe aussi bien pour moi.  

En tout cas, on n’avait pas entendu parler de Scorpius depuis qu’il m’avait serré la main et dit de me méfier de Greeks. Greeks qui, entre parenthèses, ne m’avait rien fait de mal. Il ne faisait que de vouloir me tuer au travers de regards sanglants, mais rien de bien alarmant –peut-être parce que Gale était toujours dans les parages. Tout ce qu’il y avait d’étrange avec Malefoy, c’est qu’en dehors du fait qu’il ne paraissait toujours pas très en forme, il devenait solitaire. Depuis le premier jour ici, il avait eu l’habitude d’être adulé et entouré de dizaines de Serpentards ; désormais, c’était singulier de le voir accompagné. Bien évidemment, lors des repas ou des cours, il y avait toujours des personnes à le coller. Mais quand venaient les temps libres, il disparaissait et lorsqu’on le croisait –ce qui était devenu plutôt rare-, il était seul. Ethan avait lourdement insisté pour que j’arrête de m’en soucier, ce que j’avais fini par faire. Même s’il m’arrivait d’y repenser. Cassandra, elle, n’avait pas changé d’un poil. J’étais un tantinet reconnaissante envers elle, mais elle continuait d’être infecte. Chose qui avait changé, c’est que ça ne m’atteignait même plus –au plus grand bonheur de mes amis.

 

« - Bonjour tous les trois !, s’exclama un Hagrid joyeux en nous ouvrant la porte. Entrez donc, ne restez pas sous la neige. Â»

 

Il régnait toujours la même ambiance dans la maison, cette impression confortable et accueillante.  Crocdur Junior nous salua en nous bondissant dessus. Le temps d’enlever écharpes et bonnets, de nous débarrasser du chien –avec l’aide d’un « Couché, Crocdur Â» de Hagrid- et nous étions assis.

 

« - Que venez-vous faire ici en ce joli dimanche ?, demanda-t-il en posant un plateau de thé sur la table.

- On vient juste vous rendre visite, répondit Hugo avec un sourire sincère.

- Ça me fait plaisir de vous voir. Comment va ton père, Hugo ?

- Bien, merci, dit-il en souriant. Il vient de monter d’un grade dans le poste d’Auror, avec Mr Potter. Il est vraiment content. Il m’a d’ailleurs demandé de vous passer son bonjour !

- Tu lui retourneras la pareille ainsi que mes félicitations, sourit Hagrid l’air franchement content. Vous allez bien, tous ?

- Très bien pour ma part, dis-je.

- Quand est-ce le prochain match de Quidditch, au juste ?, demanda-t-il.

- En février, contre Poufsouffle.

- J’ai vraiment très hâte de voir ça, confia-t-il en nous proposant des cookies. Tu avais été incroyable, Automne. Quel spectacle !

- Il n’y a pas que moi, dis-je gênée. Toute l’équipe est vraiment formidable. Je n’aurais pas pu y arriver sans leur soutien constant. Â»

 

La suite de la conversation se poursuivit sur le Quidditch. Lorsque le soleil commença à se coucher, c’est le cœur rempli de chaleur et les poches pleines de gâteaux raides comme la justice que nous avions eu la politesse d’accepter que nous rentrâmes au Château.

 

« - C’est vraiment magnifique, en hiver, dis-je émerveillée en contemplant les alentours. Vous imaginez comment la Clairière des Centaures doit être, avec toute cette neige ? Encore plus magique que la dernière fois.

- C’est vrai, approuva Ethan en fourrant son nez dans son écharpe.

- Elle me manque, soufflai-je en regardant la forêt.

- Tu dois être la seule personne qui ai jamais dit ça, rit Hugo en se frottant les mains. La Forêt Interdite qui manque à quelqu’un ?

- Étrange, c’est vrai, admis-je amusée. Mais c’est la Clairière qui me manque par-dessous tout. Je meure d’envie chaque seconde d’y retourner et de reparler à Arkanael. Il est tellement passionnant, vous ne pouvez pas imaginer à quel point. Et j’ai tellement envie de revoir ces fleurs –sans doute gelées en ce moment-, de sentir cette odeur à nouveau, de réentendre cette musique... Â»

 

Je ressentis un brutal pincement au cœur.

 

- Mais il faut un motif valable pour y aller, devina Hugo en voyant mon air triste.

- Et nous n’avons pas besoin d’aide pour l’instant, dis-je en détournant mon regard. Rentrons, il commence à faire froid. Â»

 

En réalité, je n’avais pas froid, mais il fallait que je rentre. Ça me faisait de la peine de savoir que je ne pouvais pas y aller. C’était étrange... Je n’y avais été qu’une fois. Pourquoi est-ce qu’elle me tenait tant à cÅ“ur ? C’était un peu comme si...

 

« - Je dois tout de suite aller à la bibliothèque !, m’écriai-je alors que nous venions de passer la Grande Porte.

- Mais nous sommes en vacances..., commença Hugo l’air ébahi.

- Je vous expliquerai après ! On se retrouve dans la Salle Commune ! »

 

Je n’avais pas le temps d’éclairer mes amis. Il me fallait aller à la bibliothèque, tout de suite, maintenant !

 

« - Mrs... Mrs Pince..., soufflai-je en grimaçant à cause d’un point de côté, enfin arrivée après avoir couru jusqu’au quatrième étage.

- Bonjour Miss Hayleen, me salua-t-elle sèchement en relevant un sourcil.

- Bonjour... J’aurais besoin... D’un livre... Ouh... D’un livre dans la réserve.

- Vous avez une autorisation ?, demanda-t-elle imperturbable. 

- C’est le conte de l’Aigle Triste, dis-je en essayant de parler correctement. J’ai besoin de le lire.

- Il vous faut... Je...

- Je l’ai déjà lu, Mrs Pince, dis-je. J’ai simplement besoin de le relire afin d’être éclairée sur certains points.

- Je vais le chercher, dans ce cas Â», dit-elle l’air déstabilisé. 

 

Ça m’étonnait qu’elle accepte comme ça. Mrs Pince n’était pas du genre à être aussi conciliante. Mais bon, au moins, je l’avais !

 

« - Le voici Miss Hayleen, dit-elle en me tendant le gros livre au bout de quelques minutes.

- Merci beaucoup ! Â», la remerciai-je soulagée que quelqu’un n’aie pas eu la brillante idée de l’emprunter.

 

Pas besoin d’aller me réfugier quelque part pour le lire. Je m’installai à une table –néanmoins cachée derrière une immense étagère de livre. Étrangement, il était bien moins poussiéreux que la dernière fois. Peut-être parce que, suivant l’hypothèse d’Ethan, il avait été emprunté un certain nombre de fois...

Je l’ouvris en deux en tentant de repérer du doigt le passage que je recherchais et le trouvai.

 

« [...] Un beau jour, Automne partit explorer une immense forêt. Verdoyante, éclairée et remplie de fleurs, elle respirait le calme et la paix. Au milieu de celle-ci se trouvait une créature affaiblie et manifestement malade. Elle semblait étrangement familière à Automne qui ne sut pourquoi, mais qui sut qu'il fallait la sauver. [...]

La bête commençait à s'affaisser. La jeune fille sut alors ce qu'elle devait faire. Elle entoura de ses bras l'oiseau et laissa tomber une larme sur son plumage. Le lien était construit. Automne se sentit partir, partir loin, enrobée de la chaleur que produisait l'aigle. Et pour la première fois depuis longtemps, elle se sentit en une paix totale.

Alors, les deux corps liés se soulevèrent progressivement du sol, explosèrent en une boule argentée qui se transforma en une larme. Un édifice se construit peu après cela, en l'honneur de l'Aigle Triste, la jeune fille qui avait donné sa vie pour celle de la nature. »

 

« Une immense forêt Â»... « Verdoyante, éclairée et remplie de fleurs Â»... « Respirait le calme et la paix Â»... Par la barbe de Barback le Grand... Et s’il s’agissait de la Clairière des Centaures ? Ça collait parfaitement ! Il s’agissait des adjectifs exacts de la Clairière. Alors ce serait l’endroit où j’étais destinée à mourir ? Il y avait néanmoins quelque chose d’étrange. Si c’était là, il y aurait alors les centaures, au moins Arkanael. C’était le seul point qui n’était pas tellement probable ; malgré les réticences des autres de « changer la prédiction des étoiles Â», le Chef m’avait bien affirmé qu’il n’était pas du même avis et par conséquent d’accord pour aider l’Aigle.  Si je réfléchissais bien... Attendez. Le Conte était donc l’histoire de base. Cette histoire pouvait être changée. Cela impliquait donc que je pouvais ne pas mourir ; je pouvais recevoir de l’aide de la part des centaures. Tout était possible ! Certaines rencontres ont changé l’histoire de base et ça se terminerait en conséquence différemment. Arkanael m’avait promis son aide et je savais que je pouvais lui faire confiance. Alors cette fois, c’était une certitude ! Si ce qui était prévu à partir de la rencontre avec Arkanael, l’Aigle sera guéri avec l’aide du Chef ! Merlin ! Compliqué à comprendre, à mettre en place, je l’admets. Le plus dur sera de me faire comprendre auprès de mes amis, mais je pouvais compter sur la logique d’Hugo –pour ce qui était des cours, c’était une catastrophe, mais pas pour le reste-  et le calme d’Ethan. J’avais la preuve que ce n’était plus maintenant une question de « peut-être Â» mais de « c’est sûr Â».

 

« - Bonjour, Augustina !, dis-je avec un grand sourire à mon amie Serdaigle qui passait par là, son livre de sortilèges à la main.

-  Salut, Automne, mumura-t-elle distraitement en regardant ailleurs comme si elle ne me voyait pas. En effet, c’est une belle journée.

- Tu veux que je t’aide avec les Sortilèges ?, demandai-je de bonne humeur.

- Oh, merci, dit-elle avec un sourire rêveur. Je feuilletais seulement le livre, j’aime bien.

- Tu n’étais pas censée rentrer chez toi pour Noël ?

- Si, répondit Augustina, mais mes parents sont allé étudier les nouvelles espèces que maman à découvertes. Je te laisse, je retourne dans ma Salle Commune ! Â»

 

Elle me salua de la main avant de sortir en sautillant d’un pas aérien. Maintenant, il fallait que je dise TOUT à mes amis. J’avais fait un pas en avant dans mon histoire...

Après avoir rendu le livre, je courus dans les couloirs jusqu’à notre point de rendez-vous. J’étais si distraite par les pensées qui se mélangeaient dans ma tête que j’aurais pu encore me prendre quelqu’un, mais par chance, personne ne croisa ma route, même pas Scorpius qui avait toujours eu la mauvaise habitude de se trouver au mauvais endroit au mauvais moment.

 

« - Automne !, s’exclama Ethan en me voyant débouler dans la Salle Commune.

- J’ai découvert quelque chose Â», dis-je gravement.

 

Etant donné qu’il n’y avait personne dans leur dortoir, je proposai d’aller y discuter. Nous aurions le calme et la sécurité nécessaire pour en parler en toute sûreté. Installés, je commençai alors mon explication en essayant tant bien que mal d’ordonner les choses et d’être la plus claire possible. A la fin de mon récit, la première réaction fut celle d’Hugo.

 

« - Pardon ?! Â»

 

Je pouvais comprendre que sa logique implacable lui faisait défaut après un cafouillis pareil. Il fallut que je répète deux fois pour qu’ils comprennent enfin. 

 

« - Tu penses sérieusement ?!, demanda Ethan l’air très concentré.

- C’est la description complète et parfaite de la Clairière !, dis-je. Les fleurs, la forêt immense et verdoyante, le calme et la paix, puis le lien que j’ai avec cet endroit alors que je n’y suis allée qu’une fois... C’est évident !

-  Pourquoi le Chef ne te l’a pas dit, dans ce cas ?

- Peut être l’ignorait-il, répondis-je, ou alors trouvait-il cela mieux ainsi. C’est à moi de résoudre le problème, pas à d’autres... Arkanael fait preuve d’une immense sagesse.

- Tu crois que ça veut dire..., commença Ethan en relevant lentement la tête.

- ... Qu’on doit y retourner ?, termina Hugo avec un sourire plein d’espoir.

- Je l’aimerais, mais si on suit la théorie qu’Arkanael m’ait caché que ça se passerait chez eux, il n’apprécierait pas que je vienne à chaque fois que je trouve quelque chose ; ce qui est plutôt compréhensible.

- Ce n’est pas faux, admit-il l’air de réfléchir. Il veut sûrement que tu trouves par toi-même, comme tu as dit, parce que tu es la seule à véritablement savoir ce qui s’est passé ce jour où tu as soigné un aiglon.

- Je connais le passé, ils connaissent l’avenir, dis-je. Qui est responsable du présent ?

- Le présent créé l’avenir, murmura Ethan. C’est toi.

- C’est nous, tous ensembles, ajoutai-je avec un sourire.

- Tous ceux qui contribuent au changement de ton destin, sourit Hugo.

- Par définition, Scorpius est aussi responsable du présent ?, grimaça Ethan.

- Heu... Ce n’est pas encore sûr, et si c’est le cas, il ne l’est que de très très très loin alors !, ris-je.  

- Exactement ce que j’avais envie d’entendre, dit-il l’air satisfait. En résumé, tu rencontreras l’Aigle blessé dans la Clairière des Centaures mais étant donné que tout a changé, il pourra être soigné et tu survivras avec évidence ! Â»

 

Nous nous fichions éperdument des regards moqueurs devant nos joyeuses enjambées. Nous étions juste heureux. Même les piques envoyées par quelques Serpentard ne nous atteignirent pas. Nous croisâmes même Scorpius, l’air agité, qui releva un sourcil en nous voyant sautiller façon Augustina. Ses cernes étaient toujours énormes.

 

« - Pas la peine de sauter comme un cabri sous prétexte que ce sont les vacances, ricana-il d’un ton acerbe.

- Pas la peine de faire le paon sous prétexte que ton nom est Malefoy, railla Hugo.

- C’est sûr qu’on ne peut pas le faire quand on s’appelle Weasley, répliqua le blond de sa voix trainante. 

- Tes sarcasmes ne nous avaient pas manqué, retournes dans ta caverne.

- Elle a pris du poil de la bête, la belette !

- Elle a l’air bien crevée, la blondinette peroxydée ! Â», rétorqua Hugo.

 

J’échangeai un regard on ne peut plus ébahi avec Ethan. Depuis quand et comment Hugo avait-il appris à se rebiffer ainsi ?!

Scorpius parut entrer dans une colère noire et amorça un mouvement vers sa poche, où ressortait le haut de sa baguette ; mais quand il nous vit brandir chacun la nôtre, il se ravisa et soupira avant de s’en aller.

 

« - Attendez-moi ailleurs, murmurai-je à mes amis, je reviens. Â»

 

Je courus après le blond, bien décidée à lui parler une bonne fois pour toute. Il devenait vraiment agaçant, à la fin !

 

« - Scorpius Malefoy ! Arrête et écoute-moi tout de suite ! Â»

 

Il se retourna, l’air d’abord surpris puis mauvais.

 

« - Lâche-moi, l’Aigle Triste, siffla-t-il en essayant de s’en aller.

- Ne m’appelle pas ainsi !, m’écriai-je énervée en le retenant par le bras. Pourquoi est-ce que tu as l’air aussi fatigué, depuis un mois ? Aussi mystérieux ? Aussi seu...

- JE NE SUIS PAS SEUL ! Â», hurla-t-il en s’arrachant de mon étreinte et s’avançant vers moi.

 

Je l’avais déjà vu s’énerver mais jamais comme ça. Ses yeux dégageaient une réelle fureur qu’ils me terrifièrent.

 

« - Je ne voulais pas... Pas dans ce sens là, bredouillai-je en sentant mes joues rougir.

- Qu’est-ce que tu me veux, Hayleen ? C’est par TA faute, à cause de TOI et uniquement TOI !

- Je...

- Oui, toi, toi, toi, toujours toi !, criait-il. Tu es narcissique ! Tu ne penses qu’à ta petite personne !

- Qu’est-ce qui te fait croire ça ?, fulminai-je en le pointant du doigt. Tu ne me connais pas ! Tu ne fais que juger continuellement, pas seulement moi mais tout le monde ! Tu insultes Hugo, tu te moques de ceux que tu estimes plus faibles que toi !

- Tu aurais oublié que je t’ai sauvé, Hayleen ? Oui, pour ce qui est de ce que je fais de mal, tu t’en souviens ! Mais pour ce que je fais de bien, tu t’en contre-fiches !

- Dois-je te rappeler que c’est parce que tu as demandé à l’autre de me jeter des sorts et qu’au dernier moment tu as été pris de pitié ? Je n’ai pas oublié, tu sais. Je t’en suis reconnaissante même si ça partait d’une mauvaise attention. Â»

 

Silence lourd. Il soupire, détourne son regard, je fais de même.

 

« - Écoute..., commençai-je.

- Laisse-moi !, dit-il brutalement, l’air menaçant.

- Ça m’énerve de tourner autour du pot à chaque fois qu’on se croise, maugréai-je. Qu’est-ce qui t’arrive, bon sang ?

- Qu’est-ce que ça peut te faire ?, demanda-t-il d’un air las. Tu te fiches bien des autres, non ?

- Arrête, ça n’est pas vrai ! Figure toi, que tu le croies ou non, que ça m’inquiète de te voir comme ça. Tu as l’air constamment fatigué, tu agis étrangement...

- Ça n’est pas important, balaya-t-il d’un coup de main.

- Si, ça l’est !, insistai-je. Écoute, on t’a entendu, il y a un mois, te disputer avec une fille qui te reprochait de m’aider car elle voulait me nuire ! Â»

 

Il fallait que je lui dise. Je ne pouvais pas lui cacher ça sans espérer paraître louche ; il aurait bien fini par le savoir alors autant que je le lui apprenne. Il entrouvrit la bouche sous le choc, la referma et reprit nonchalamment contenance.

 

« - Je ne vois pas de quoi tu parles.

- Je ne sais pas qui était cette fille, mais je ne suis pas elle alors ne joue pas le même jeu avec moi ! Â», protestai-je clairement. 

 

Il sembla hésiter, l’air légèrement décontenancé par ma réaction. Finalement, il murmura en me prenant par le bras :

 

« - Viens et sois discrète. Â»

 

Le cÅ“ur battant la chamade, je me laissai entraîner dans les dédales du château. Je ne reconnaissais même pas les chemins empruntés. Peut-être Malefoy faisait-il exprès, afin que celui qui oserait l’espionner ne puisse retrouver le chemin seul. Après quelques minutes, il ouvrit enfin une vieille porte : c’était une grande salle, peut être une ancienne salle de classe, dont la décoration était essentiellement composée de toiles d’araignée. Il y avait un grand bureau et une lanterne de chaque côté. Au milieu, des livres, des rouleaux de parchemin s’entremêlant et une plume posée sur le tas. Je relevai un sourcil consterné. Pourquoi m’emmenait-il dans ce qui avait l’air un bureau provisoirement installé dans une ancienne salle de classe ? Il me lâcha le bras et installa une deuxième chaise devant le bureau avant de me faire signe de m’asseoir.

 

« - D’abord, jure-moi de ne rien répéter à personne. J’ai ton accord ? Â»

 

Il tendit son petit doigt. Je pensai à Hugo et Ethan. Je leur disais tout. Je ne pouvais quand même pas leur cacher quelque chose comme ça, qui s’apprêtait sans doute à être énorme. C’était mes amis, je savais qu’ils ne diraient rien ! Mais d’un autre côté, une promesse était une promesse : je m’étais toujours promis de les respecter et devant une telle marque de confiance de la part de Scorpius Malefoy, je ne me sentais vraiment pas de trahir son secret. C’était un cruel dilemme... Cacher un secret à mes amis et donner raison à la confiance de Scorpius ou leur en parler en sachant qu’ils ne diraient rien Ã  quiconque?

 

« - J’ai ton accord ? Â», répéta-t-il le regard appuyé.

 

Il ne se passa qu’un quart de seconde, un minuscule laps de temps.

 

« - Tu l’as Â», murmurai-je  en croisant son petit doigt avec le mien.

 

Ça me tuait à l’avance de devoir leur mentir, je me sentais tellement égoïste...

 

« - Je sais que Davean et Weasley ne répéteront rien Â», sourit-il brièvement.

 

Il m’avait testée afin de savoir s’il pouvait pleinement me faire confiance. C’était le premier sourire que je voyais de lui depuis bien des semaines. Un sourire court mais humain, qui contrastait avec ses cernes et son teint blafard. Le nœud qu’était devenu mon ventre se démêla et une profonde reconnaissance me fit sourire à mon tour.

 

« - Depuis des semaines, commença-t-il difficilement avec une légère teinte rose sur les joues –la seule couleur de son visage, j’étudie ton problème. Un problème intriguant et passionnant, qui m’obsède depuis que je suis petit. L’Aigle Triste était, en fait, mon conte préféré. Je trouvais ça tellement mystérieux, intéressant... Je me demandais comment un aigle et une personne pouvaient être liés jusque leur mort, et qui était cette personne. J’avais comme projet d’étudier la question, de tout faire pour y répondre. J’en avais fait une priorité dans ma vie. Et je peux te dire que j’étais sacrément tenace, rit-il un court instant. Chaque jour, j’allais dans la forêt la plus proche de chez moi, toujours plus loin, toujours plus profondément, en quête de trouver « La propriété de l’Aigle Triste Â» telle qu’elle était décrite dans le conte. Ça me frustrait davantage à chaque fois que je rentrais sans aucune piste. J’ai finalement abandonné après trois longues années, à partir du moment où j’ai perdu mon cousin, ajouta-t-il l’air sombre. Ça m’a tellement dévasté que j’ai laissé le conte de côté, jusqu’à l’oublier définitivement.

Jusqu’à ce jour, il y a déjà plus de 3 mois, quand McGonagall a appelé « Automne Hayleen Â» à la Répartition. J’ai cru que mon cÅ“ur s’était décroché. J’aurais dû t’admirer, être tout le temps à te parler, mais la première chose que j’ai ressentie pour toi, c’est une profonde haine. Tu me rappelais tout le temps que j’avais passé plus de temps à me consacrer à l’Aigle Triste, à toi, qu’à celui que je considérais comme mon frère. Il y a des moments où je me disais que ce n’était pas de ta faute, que tu n’avais rien fait, mais c’est toujours cette colère qui me poussait à te lancer des méchancetés, jusqu’à te faire du mal. C’est le sentiment qui nourrissait mon intérêt aveugle pour le conte, qui me poussait aussi à vouloir t’aider, à te défendre quand il le fallait –bien que ce fut rare, je l’admets. Et j’ai décidé de reprendre ces recherches qui me tourmentaient tant étant enfant, quitte à sacrifier mes nuits. Je ne suis donc pas un vampire, rit-il de nouveau en désignant son visage, simplement fatigué mais, tout comme avant, entêté à la tâche. Au début, ça m’a fait terriblement mal de repenser aux mauvais souvenirs, ce qui explique que mes amis m’ont délaissé –il ne sert à rien de le nier. Mais j’ai retrouvé cette énergie qui me faisait du bien autrefois.

La fille qui me traquait était Cassandra Jay. Je ne l’aime pas. Elle cherchait à me faire du chantage, menaçait de dire à tout le monde que je m’intéressais à ton histoire et tenta de me faire peur en prétendant vouloir te faire du mal. Je te rassure, elle ne te fera rien. Elle te déteste pour la simple et bonne raison qu’elle a tout de suite vu que de te voir me faisait un choc ; or il se trouve qu’elle avait comme plan de devenir proche de moi –à cause de mon nom de famille afin de se faire une réputation. Pathétique, maugréa-t-il l’air dégoûté. Les gens pensent que je fais de mon nom une fierté.

En réalité, c’est une honte que je compense avec une répartie acerbe et des airs supérieurs. Le nom Malefoy fait peur mais n’impose plus le respect. Le passé de Mangemort de mon père, la vie entière de mon grand-père me pourrit l’existence. J’aurais souhaité m’appeler autrement. Je ne comprenais pas, enfant, qu’on me regardait de haut, d’un air féroce et écÅ“uré. Mon père m’en a expliqué la raison juste avant d’entrer à Poudlard, au bout de la millième fois que je lui demandais. Il est comme moi, il a honte. Et je souhaite laver notre image en t’aidant. Ce n’est pas la seule raison, bien évidemment. Je veux t’aider parce que... J’en ai envie, c’est tout, ajouta-t-il avec un léger sourire. Je sais, que tu as vu que je portais un masque. Je sais que tu as vu qu’il y a du bon en moi. Tu es la première personne à avoir été pris de compassion à mon égard et à m’avoir fait confiance –en dehors de mes parents, bien entendu. C’est aussi ça qui a fait que c’était une obligation pour moi de t’aider. J’ai menacé cet idiot de Greeks afin qu’il ne te fasse rien, ça a porté ses fruits. La nuit où vous êtes allés dans la Forêt, j’ai attiré Rusard loin de vous lorsque vous êtes revenus. Je ne veux pas me vanter davantage alors je ne dirais rien de plus, mais j’ai fait le maximum pour t’aider à résoudre cette histoire et j’espère que ça a marché. Â»

 

Sonnée. Ébahie. Attendrie. Choquée. Il n’existait aucun mot pour décrire ce que je ressentais.

 

« - Ethan et Hugo n’en sauront rien, murmurai-je.

- Je sais Â», sourit-il. 

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