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Chapitre 14 : Un père et un fils

Une semaine avait passé depuis leur vengeance ; une semaine durant laquelle les potins se liaient tous par le prétendu burn out de Blaise Zabini (car les versions pouvaient aller très loin ; et comme chez tous les ragoteurs, plus c’était gros, mieux c’était) et la baignade vinaigrée de Zacharias Smith ce même jour. Là-dessus, Harry et Drago avaient été surpris de constater que l’affaire s’était faite savoir et ils avaient redouté un espion qui aurait vu toute la scène ; mais il s’avérait que celui qui avait étendu le tableau n’était autre que Peeves, vivement accompagné par un Poufsouffle qui avait une dent contre Zacharias et qui affirmait avoir été témoin du spectacle. Et les amis de ce même Poufsouffle, qui supportaient tout aussi bien Smith qu’une amputation sans anesthésie, avaient vaillamment suivi le mouvement. Et de fil en aiguille, chez toutes les Maisons, Zacharias se faisait purement moquer ; à croire que ce n’avait pas été seulement la vengeance du Gryffondor et du Serpentard mais qu’elle avait profité à bien d’autres.

 

Quant à Hermione, Ron avait réussi à la raisonner et elle avait arrêté de faire la tête à Harry, évitant tout de même soigneusement toute allusion à propos de Smith ou de Zabini. 

 

Il ne restait à présent qu’une semaine avant le bal de Noël. Et si McGonagall leur avait fait un briefing identique à celui de la 4ème année, elle n’avait pas pris la peine de refaire un cours de danse –du moins, pas général. « Ceux qui voudront viendront me contacter Â», avait-t-elle simplement dit à l’issue de son topo.

 

« - Non merci, rigola Ron une fois que le professeur de Métamorphose eut terminé d’en parler. Des cours de danse personnels ? Plutôt mal danser plutôt que de passer des heures à valser avec McGonagall ! 

 

- Ce n’est pas si mal, dit Hermione en haussant les épaules. Pour ceux qui ont du mal et qui veulent avoir une belle allure lors du bal, c’est mieux que de se ridiculiser devant tout Poudlard.

 

- Mais avec McGonagall !, répéta-t-il en grimaçant. A la limite, tu demandes à Neville. Il sait très bien danser, lui, pouffa le rouquin en tapant Harry du coude.

 

- Il y va avec Luna, cette année, fit-elle en ignorant sa remarque. Elle en est très heureuse, d’ailleurs.

 

- Comme si c’était étonnant, bailla Ron en s’étirant d’un air fatigué. Il n’arrête pas de parler d’elle.

 

- Ça va, Harry ?, s’inquiéta soudainement Hermione en posant une main sur son épaule. Tu ne dis rien depuis tout à l’heure.

 

- Oh, oui, ça va, sourit-il en émergeant de ses pensées. J’étais un peu ailleurs. Â»

 

Hermione balança sa tête sur le côté et le regarda de son air qui voulait dire « Je sais très bien que tu ne dis pas la vérité Â».

 

« - Qu’est-ce qu’il y a ?, demanda-t-il comme si de rien n’était.

 

- Harry...

 

- Très bien, soupira-t-il. C’est juste que... Â»

 

Sa voix était hésitante et il sentait qu’il n’allait pas tarder à bégayer. Hermione resserra sa main autour de la sienne pour le rassurer.

 

« - Tu ne sais pas danser, c’est ça ? Â», devina-t-elle avec une moue désolée.

 

Il hocha douloureusement la tête, sans la regarder, ses joues d’une telle couleur qu’une voiture moldue aurait pu l’apercevoir depuis Londres et s’arrêter en pensant à un feu rouge.

 

« - Tu vas quand même pas prendre des cours avec McGo ?! Â», s’exclama Ron en éclatant de rire.

 

Hermione le foudroya du regard, le faisant taire, et reporta son attention sur le brun.

 

« - Non, dit Harry sans être vraiment sûr de ce qu’il disait. Mais je danse comme un éléphant sur des échasses à roulettes et je n’ai clairement pas envie de danser comme un éléphant sur des échasses à roulette.

 

- Jolie métaphore.

 

- C’est pas vrai, murmura Hermione en comprenant soudainement, alors c’est décidé ? Vous y allez ?

 

- Je crois bien que oui, répondit-il gêné.

 

- Wouoh, fit Ron en fronçant les sourcils. Vous êtes sûrs ? C’est quand même vachement... Dangereux.

 

- Ne prends pas de tels grands mots !, le coupa-t-elle en levant les yeux au ciel. Ce n’est en aucun cas dangereux. Ça va simplement surprendre.

 

- Et ça va surtout faire rire si je lui marche sur les pieds et qu’on ressemble à deux empotés, insista-t-il en s’imaginant avec horreur se faire engueuler par Drago et moquer par tous les septième année. Il faut absolument que je sache danser.

 

- Vieux, tu vas quand même pas demander à McGo !

 

- Ça suffit avec McGonagall, Ronald !, finit par s’énerver Hermione en se retournant brusquement, faisant sauter sa touffe de cheveux emmêlés. Si Harry en a besoin, qu’il le demande ! Elle est là pour ça !

 

- Ah oui non mais par contre, je suis d’accord avec Ron, dit-il embarrassé devant la tête ahurie de sa meilleure amie. Je ne demanderai qu’à McGonagall qu’en cas d’extrême nécessité vitale.

 

- Quelle fierté, se désola-t-elle en secouant la tête.

 

- Tu peux demander à Neville, du coup Â», chuchota Ron en se retenant de rire. 

 

Harry soupira avec fatigue.

 

« - Faut croire que c’est la seule solution, grommela-t-il.

 

- Mais pourquoi Merlin ne demandes-tu pas à Drago de vous entraîner ?, fit Hemione d’un air excédé.

 

- Tu plaisantes ?! Lui demander ? Jamais de la vie. Plutôt Neville.

 

- Je laisse tomber, abandonna-t-elle en se remettant au travail. Vous me fatiguez, tous les deux. Â»

 

La cloche finit par sonner midi et après un cours relativement pénible, Harry s’avança vers Neville.

 

« - Salut Harry, le salua le Gryffondor avec un grand sourire. Tu vas bien ?

 

- Super super, répondit-il sans grande conviction.

 

- Génial, se ravit-il. Tu sais, en botanique lundi, je pense qu’on va découvrir les Amentu...

 

- Super super, répéta le brun en toussant. Écoute, Neville, je peux te demander un service ? Â»

 

Neville releva la tête, surpris.

 

« - Bien sûr, vas-y.

 

- Voilà, amorça-t-il en prenant tout son courage, est-ce que tu...

 

- Harry ! Â»

 

Harry se retourna, confus, pour se retrouver devant une Hermione à l’air exaspéré qui le traîna en lui tenant la main.

 

« - Mais quel idiot, ne cessait-elle de rabâcher alors qu’ils quittaient un Neville perdu et déconcerté.

 

- Tu peux m’expliquer, Hermione ?, lui demanda-t-il aussi consterné que le pauvre botaniste. J’étais en train de lui demander !

 

- Cherche pas, j’ai rien pigé non plus, dit Ron en haussant les épaules.

 

- Tu n’as même pas pensé à une autre éventualité pourtant évidente, soupira la brune en levant les yeux au ciel.

 

- Tellement évident que je ne sais absolument pas de quoi tu parles, approuva Harry en haussant un sourcil.

 

- Je vais t’apprendre à danser ! Â»

 

Les deux garçons s’arrêtèrent tout les deux dans un mouvement quasi militaire, avant d’échanger un regard interloqué. Hermione se retourna en voyant qu’ils ne la suivaient plus, et fronça les sourcils avec inquiétude.

 

« - Qu’est-ce qu’il y a ?, interrogea-t-elle en croisant les bras.

 

- Hermione, merci beaucoup !, sourit Harry en la prenant dans ses bras un court instant. Je n’y avais même pas pensé ! Â»

 

Elle sourit et entra dans la Grande Salle, suivie par ses deux meilleurs amis. Ça allait être beaucoup mieux que de danser avec Neville. 

 

OooooooOooooooOooooooOooooo

 

Drago réfléchissait rêveusement, pensant au bal qui arrivait le vendredi suivant, tout en marchant d’un pas tranquille vers le réfectoire.

 

« - Aïe !, jura-t-il brutalement alors qu’un énième hibou venait de le frapper à l’arrière du crâne. Stupide pigeon ! Â»

 

C’était le sixième qu’il se prenait depuis le début de la semaine : à chaque fois, c’était la demande d’une quiche timide pour aller au bal avec lui. C’était purement pathétique. Au moins, toutes les autres qui lui avaient demandé l’avaient fait en face. Et le point positif dans cette histoire était qu’il répondait toujours des trucs du style « J’y vais déjà avec ta meilleure amie/une copine à toi/Unetelle Â» et ça créait de belles disputes, ce dont il se délectait tout particulièrement. Mais il avait soigneusement évité de parler de tout ceci à Harry, car il savait que si le Gryffondor avait connaissance de ces demandes, il irait Avada Kedavratiser toutes ces pauvres filles. Donc c’était mieux de garder le silence sur cette histoire.

 

Il ouvrit la lettre avec un soupir, se demandant sous quelle tournure allait prendre la demande cette fois-là. Mais il fronça les sourcils : ça ne venait pas d’une élève.

 

« Mr Malefoy,

Je vous prie de venir dans le bureau directorial. Il s’agit de quelque chose de très important.

PS : La quatrième saison apporte avec elle une pureté inégalée.

Professeur Dumbledore Â»

 

Drago haussa un sourcil perplexe. Que lui voulait encore le vieillard cinglé ? Et pourquoi est-ce qu’il s’était senti obligé de donner une énigme pour le mot de passe ? Il était à Serpentard, pas à Serdaigle, par toutes les barbes du monde.

 

« - Puisqu’il le faut Â», soupira-t-il agacé.

 

Après une montée périlleuse, car entrecoupée par un première année de Serdaigle perdu qui ne le lâchait pas d’une semelle et des escaliers qui n’en faisaient qu’à leur tête et l’avaient conduit dans un couloir paumé, il était enfin arrivé devant la gargouille, énervé et essoufflé. Il n’avait même pas repensé à l’énigme et avait une franche flemme de réfléchir.

 

« - Hé ! Â», appela-t-il le petit Serdaigle qui partait dans l’autre direction. 

 

L’élève en question se retourna, un air terrorisé sur le visage.

 

« - Tu sais répondre aux énigmes ? Â», demanda-t-il sèchement.

 

Il hocha la tête avec inquiétude, incertain.

 

« - La quatrième saison apporte avec elle une pureté inégalée, récita Drago impatiemment. Tu répondrais quoi à ça ? Â»

 

Le Serdaigle sembla réfléchir un instant.

 

« - L’hi... L’hiver et la... Neige ?, bégaya-t-il d’une voix faible.

 

- Neige Â», dit Drago à la gargouille.

 

La gargouille hocha la tête et tourna sur elle-même.

 

« - Tu peux dégager, maintenant Â», siffla le Serpentard à l’élève en guise de remerciment.

 

Celui-ci détala, effrayé, et disparut de sa vue. Le blond monta les marches et arriva devant la porte en bois. Il hésita à la défoncer à coup de savate, mais estima que c’était peut-être plus poli de toquer.

 

« - Entrez Â», résonna la voix bien connue du vieux directeur.

 

Il poussa alors la porte et ce qu’il vit derrière celle-ci le tétanisa.

 

« - Bonjour, Mr Malefoy Â», sourit Dumbledore, les mains croisées sur son bureau.

 

Drago, la main crispée sur la poignée de la porte et le corps entièrement paralysé, ne parvint pas à le saluer en retour. Son regard restait fixé sur la grande silhouette qui le terrifiait depuis déjà 9 ans.

 

« - Asseyez-vous, je vous en prie, proposa gentiment Dumbledore en désignant la chaise en face de son bureau, apparemment indifférent à la tension qui s’était installée.

 

- Ce ne sera pas la peine Â», trancha froidement Lucius Malefoy en adressant un regard tout aussi incisif à son fils. 

 

Il tenait à la main ce qui semblait être un journal, sûrement la Gazette du Sorcier. La poignée de la porte allait bientôt se briser si Drago ne la lâchait pas ; il semblait que son cÅ“ur s’était arrêté de battre et il avait le regard obstinément dirigé au sol, dans l’incapacité de regarder son père.

 

« - Mr Malefoy, retenta Dumbledore avec la même sympathie dans la voix. Votre père est venu ici pour avoir un entretien avec vous.

 

- Merci de l’avoir prévenu, coupa de nouveau Lucius d’un ton qui était tout sauf reconnaissant. Viens, Drago.

 

- Ne serait-il pas préférable d’avoir cette discussion ici-même ? Â», demanda Dumbledore en se levant sereinement. 

 

Drago put deviner derrière son ton paisible qu’il était alarmé.

 

« - Non, fit simplement l’homme aux cheveux d’un blond presque blanc en se retournant. Viens, Drago. Â»

 

Celui-ci lâcha la poignée et se décala douloureusement, la tête toujours penchée, pour laisser passer son père. Puis, sans jeter un seul regard au directeur qui s’était rassis, il suivit Lucius à l’extérieur de la pièce.

 

Ils descendaient les étages dans un silence pesant, et jamais les escaliers n’avaient paru aussi interminables. Drago se demandait où son père l’emmenait et surtout, ce qu’il fichait là. Il aurait aimé pouvoir poser la question, mais il avait peur d’en connaître déjà la raison.

Ils arrivèrent dans un des cachots, grand et quasiment vide –seules quelques bibliothèques semblaient pourrir ici.

 

« - Au moins, aucun de tes petits camarades fouineurs ne nous entendra ici Â», expliqua Lucius sur un ton plus inflexible que jamais.

 

Drago redressa enfin la tête, déterminé à se protéger derrière le mur de glace qu’il avait si souvent revêtu. Il adressa un visage impassible à son paternel et c’est d’une voix rigide qu’il parla enfin.

 

« - Pourquoi êtes-vous venu, Père ?, demanda-t-il imperturbablement.

 

- C’est une excellente question, répondit Lucius en serrant sa main sur le pommeau de sa canne. Je pense que tu sais déjà pourquoi je suis là. Â»

 

Un frisson d’effroi parcourut le dos de Drago lorsque son père déplia le journal et l’étala sur le bureau qui était là. La Gazette affichait en grand titre : « HARRY POTTER, LE SCANDALE : LES RUMEURS SUR SON HOMOSEXUALITÉ AVEC DRAGO MALEFOY Â». Le blond ne cilla pas d’un cheveu et détourna son attention pour la reporter vers l’homme.

 

« - Et bien ?, interrogea le Serpentard d’une voix traînante. Encore l’œuvre de journalistes stupides basée sur les propos d’élèves stupides eux-mêmes basés sur des rumeurs stupides, il n’y a pas de quoi en faire un fromage. Â»

 

Lucius s’avança dangereusement et empoigna le journal, qu’il colla presque contre la figure de son fils avant de le balancer à nouveau sur le bureau.

 

« - J’ai entendu parler de ces rumeurs bien avant que le journal ne sorte, siffla-t-il. Tu devais nous envoyer une lettre il y a déjà une bonne semaine, à ta mère et moi, tu le sais.

 

- J’ai dû oublier Â», dit Drago.

 

Il se revoyait prendre l’enveloppe de sa poche, remplacer ladite lettre par du parchemin vierge, avant de la renfermer et d’échanger l’enveloppe avec celle de Zacharias Smith. Il avait brûlé la lettre qu’il devait envoyer à ses parents le soir même.

 

« - Oublier ?, répéta Lucius avec une expression sceptique et menaçante. Oublier de nous dire que toute cette histoire n’est composée que de balivernes ? Â»

 

Drago ne répondit pas et continua de fixer son père.

 

« - A moins que tout ceci ne soit pas un mensonge Â», continua-t-il.

 

La voix de l’homme devenait de plus en plus grave et ses dents se serraient à vue d’œil. Le Serpentard faisait tout son possible pour rester calme et impénétrable malgré la peur qui commençait à lui serrer le ventre.

 

« - Dis-moi, fit Lucius tout en marchant à travers la pièce, comment est-ce que ce titre est arrivé à paraître sur le journal le plus lu du monde sorcier ? D’où sont venues ces rumeurs ? 

 

- Je l’ignore, rétorqua Drago. Peut-être quand j’ai frappé Potter jusqu’à ce que son nez saigne. Ils ont dû penser que c’était une preuve d’affection, ironisa-t-il avec un ricanement. Ces idiots sont en manque de rumeurs, ils se sont jetés sur la chose la plus improbable et la plus horrible, voilà tout. Â»

 

Il aurait beau avoir pu être très convaincant pour quiconque, il savait que son père n’était pas dupe. Celui-ci se retourna et arrêta ses cents pas.

 

« - Tu sors avec les filles, n’est-ce pas ?, demanda-t-il placidement.

 

- Pas en ce moment, souffla-t-il avec un demi-sourire hautain. Mais ça va venir, je me fais assaillir de demandes tous les jours.

 

- Tu vois très bien ce que je veux dire Â», cracha impatiemment Lucius.

 

Drago serra la mâchoire. Il pensa à Harry et à l’impossibilité de vivre sans lui. Mais il vit aussi la main de son père fermement empoignée sur le manche de sa baguette. Et il repensa à Allen.

 

« - C’est une question ridicule, Père !, fit-il en reculant, une moue dégoûtée sur le visage.

 

- En es-tu sûr ? Â»

 

Malgré lui, le blond sentait son sang qui commençait à chauffer ; mais il conserva une froideur de glace.

 

« - Évidemment, affirma-t-il. Ça me répugne rien que d’y penser.

 

- Je te conseille de sortir avec une fille, et très vite, dit Lucius sur un ton qui relevait plus de l’ordre que du conseil en recommençant à marcher. Sang-pur, évidemment. Â»

 

Drago, qui avait bloqué sa respiration jusqu’alors, ne put retenir un souffle haineux.

 

« - Ça vous dérangerait si je ne sortais pas avec les filles, Père ? Â»

 

L’homme en question stoppa net, interdit, et Drago ferma les yeux tandis qu’affluait dans ses veines une panique intense. Il les rouvrit l’instant d’après ; son père n’avait pas bougé.

 

« - Tu serais déshérité si ce n’était pas le cas Â», siffla-t-il profondément.

 

Malgré la connaissance qu’il avait à propos de l’intolérance de son père, Drago ne put s’empêcher d’être choqué par de telles paroles et eut l’impression qu’une lame de peur lui transperçait le cœur.

 

« - Et tu sais ce qui arriverait à celui avec lequel tu flânerais Â», prévint-il d’une voix grave en caressant avidement la tête du serpent de sa canne. 

 

Cette fois, une ancienne douleur profondément ancrée dans son cœur refit surface et il sentit en lui une haine aussi violente que le souvenir qui jaillit dans son esprit.

 

« - Pourquoi avez-vous fait ça, Père ?

 

- Je te demande pardon ? Â»

 

Drago se tenait face à son père, les poings serrés et la mâchoire tellement encaquée qu’elle lui faisait mal.

 

« - Pourquoi avez-vous fait ça à Allen ? Â», répéta-t-il durement.

 

Lucius sembla réfléchir et chercher dans sa mémoire qui pouvait bien être ce fichu Allen, quand sa mémoire fit un bond de 9 ans en arrière. Il parut interloqué pendant une seconde, puis éclata d’un rire dédaigneux et moqueur.

 

« - Je n’arrives pas à croire que tu te souviens encore de ce gamin.

 

- Je m’en souviens parfaitement, persifla-t-il entre ses dents.

 

- Par Serpentard, soupira Lucius en levant les yeux au ciel. Pourquoi me parles-tu de ce moins que rien ? Â»

 

Ces mots perforèrent Drago avec l’agressivité de l’éducation qu’il avait reçue.

 

« - Ce n’était pas un moins que rien, contredit-il en s’avançant d’avantage.

 

- Pardon ?, demanda Lucius alors qu’il avait parfaitement entendu. Alors qu’était ce Sang-de-bourbe miséreux et dont les moldus de parents ne valaient rien ?

 

- Il était mon ami. Â»

 

Il avait parlé d’une voix basse et sage, mais il aurait donné n’importe quoi pour balancer l’homme à l’autre bout de la pièce s’il avait pu.

 

« - Il était le seul ami que j’avais.

 

- Ne dis pas quelque chose de si absurde !, grommela-t-il avec mépris. Comment peux-tu te permettre d’appeler ça un ami ? Je n’ai fait que mon devoir de père. Ce marmot ne t’aurait apporté que de la saleté et du déshonneur.

 

- Il avait bien plus d’honneur que vous n’en n’avez jamais eu et j’ai porté un respect pour lui que je ne porterai jamais pour vous. »

 

Le visage de Lucius perdit tout trait hautain et il pâlit brutalement. Sa canne tomba à terre, révélant sa baguette, et le journal s’enflamma ; l’homme blond saisit son fils par le col tandis qu’il ne restait plus qu’un tas de cendres sur le bureau.

 

« - Tu veux savoir pourquoi j’ai libéré ce misérable petit être de sa misérable vie ?, articula lentement le Mangemort.

 

- Je sais déjà pourquoi, le coupa Drago sans ciller malgré la poigne que son père exerçait sur lui. Vous êtes un Sang Pur incompréhensif qui se soucie plus de son honneur envers un mage noir que de son propre fils.

 

- Tu ne comprends pas !, éclata-t-il en le secouant brutalement avant de lâcher sa prise. C’est pour te sauver que je l’ai fait. Si le Seigneur des Ténèbres avait appris que tu jouais avec un Sang-de-Bourbe, il t’aurait tué.

 

- Vous savez que ce n’est pas vrai, contrecarra-t-il d’une voix sèche en s’éloignant de son père. Il nous aurait simplement mis en bas de l’échelle et on en revient à l’honneur.

 

- J’ai fait ça pour t’assurer une belle vie, insista ardemment Lucius.

 

- Et bien vous avez tout gâché, répondit-il en se retournant vers la porte. Vous avez brisé votre propre fils jusqu’à la fin de sa vie pour une question d’honneur. Et si jamais vous tuez à nouveau quelqu’un que j’aime, d’amitié ou non, c’est moi qui vous tuerai. »

 

Sur ce, et sans se retourner, il claqua la porte des cachots derrière lui et parcourut le couloir d’un pas lourd et déterminé, tandis qu’une troisième larme dévalait sa joue. 

 

OooooooOooooooOooooooOooooo

 

Harry froissa aussitôt le journal dans un mouvement rageur et balança la boule sur la table. Autour de lui, tous les élèves avaient vu le gros titre du jour mais s’étaient abstenus tout commentaire –sans doute de peur que le Gryffondor ne refasse un pétage de câble.

 

« - Je parie que c’est Smith !, dit Ron sans s’arrêter de manger son poulet. Même sans les photos, il a dû être énervé et envoyer une lettre à la Gazette.

 

- Je suis désolée, fit Hermione avec un sourire triste envers son meilleur ami. Mais personne n’y croit plus, tout le monde est au courant que Zacharias les a monté contre toi. Â»

 

Harry haussa les épaules et jeta un regard vers la table des Serpentards : Drago n’était pas là. Son cÅ“ur fit un bond ; et si quelque chose s’était passé ?

 

« - Hé, Harry ! 

 

- QUOI ?!, explosa-t-il sans se retourner. Si c’est à propos de la une du journal menteur qu’est la Gazette du Sorcier, et bien vous pouvez aller vous faire voir !

 

- C’était juste pour demander à quelle heure on avait Histoire de la Magie cette après-midi, bredouilla Neville en rougissant et en se ratatinant sur son siège. 

 

- Oh, désolé, Nev’, s’excusa-t-il penaud. C’est en première heure. Â»

 

Il se recala devant son assiette et entama ses légumes. Un silence inhabituel de la part de ses meilleurs amis le fit relever la tête : ils le regardaient avec inquiétude.

 

« - Tu es un peu à bout, souffla Ron.

 

- Tu crois ?, répondit ironiquement Harry. Désolé.

 

- Harry, commença une Hermione soucieuse, il va falloir que tu te prépares pour le bal.

 

- Oui, j’essaierai de m’entraîner le mieux que je peux, promit-il avec un soupir fatigué.

 

- Je ne parle pas de la danse, fit-elle avec un faible rire. Je parle de l’après. De toutes les unes de journaux qui vont déferler, de tout Poudlard qui ne va parler que de ça. Si tu réagis comme ça à chaque fois, tu vas craquer...

 

- Ne t’inquiète pas, Hermione, la rassura-t-il avec un sourire bienveillant. Je sais, pour l’instant je suis tendu, mais je sais ce que je fais et il le sait aussi. On est tous les deux prêts. On aimerait juste que les gens ne le sachent pas avant le bal.

 

- Réfléchissez-y bien, quand même, insista-t-elle avec sagesse.

 

- C’est promis », dit-il plus sincère que jamais.

 

Leur conversation fut interrompue lorsque Seamus enflamma son assiette on ne sait comment, et qu’il fallut 6 élèves et 3 professeurs pour éteindre les flammes qui s’étaient propagées.

 

La cloche sonna enfin le dernier cours de l’après-midi, et les trois meilleurs amis regagnèrent la Salle Commune. Aucun des cours n’avait été partagé avec les Serpentards, mais le brun n’avait plus pensé à son petit-ami depuis le midi, bien trop préoccupé par les cours de danse que devait lui donner Hermione.

 

« - Après avoir fini les devoirs Â», lui avait-elle dit sévèrement avec néanmoins un sourire amusé.

 

Ils étaient tous les trois calés autour de la table prêt de la cheminée, et on ne pouvait entendre que le griffonnement des plumes sur le parchemin.

 

« - Qu’est-ce que c’est chiant, l’Histoire de la Magie, râla le rouquin tandis qu’il copiait quelques lignes de son manuel.

 

- Moi, je trouve ça intéressant, les révoltes des Gobelins, dit Hermione d’un ton suffisant en jetant un regard noir devant le copiage de son meilleur ami.

 

- Tu trouves tout intéressant, résuma Ron avec un rire. J’ai l’impression qu’on voit les révoltes des Gobelins depuis la première année !

 

- Ce n’est pas qu’une impression, confirma Harry avec un soupir. On pousse toujours plus loin d’année en année, mais c’est sur la même base.

 

- Heureusement qu’il n’y a pas quatorze années d’études, chuchota-t-il. Je me demande bien ce que le vieux Binns aurait à dire à la fin.

 

- Le début, sans doute.

 

- L’Histoire serait alors un cercle infini, soupira Ron. Ô joie. »

 

Hermione leva les yeux au ciel et plia son parchemin.

 

« - Tu as fini ?, constata Ron, médusé.

 

- Moi aussi Â», mentit Harry en pliant les siens.

 

Hermione sourit sans faire de commentaire.

 

« - Très bien, on y va, fit-elle comme si elle autorisait un enfant à aller au parc d’attraction.

 

- Je viens !, s’exclama un Ron joyeux.

 

- Sûrement pas, l’interdit-elle sévèrement. Je doute qu’Harry ait envie d’un public.

 

- Mais je vais m’ennuyer, moi !, se plaint-il avec une moue suppliante.

 

- Tu n’as qu’à finir tes devoirs, Rogue t’a demandé le double.

 

- C’est un vieux corbac !

 

- Peut-être, admit-elle en se retenant de rire,  mais c’est toi qui a renversé ton sachet de sisymbres.

 

- Très bien, soupira-t-il à contrecoeur. A tout à l’heure.

 

- A tout à l’heure Â», dirent-ils en harmonie.

 

Hermione continua de sourire alors qu’ils sortaient de la pièce et traversaient les couloirs.

 

« - Tu vas avec lui au bal ?, demanda soudainement Harry en voyant que sa meilleure ami conservait sa mine rieuse.

 

- Je ne sais pas, rougit-elle en cessant de sourire, embarrassée. Ne m’en parle pas, s’il te plaît, ou tu risques de perdre ton professeur de danse. Â»

 

Il éclata de rire et laissa passer Hermione dans la salle vide devant laquelle elle l’avait amené.

 

« - On sera tranquilles ici, indiqua-t-elle en saisissant sa baguette et en poussant tous les meubles contre le mur. Il y a un vinyle et de la place.

 

- C’est la salle d’entraînement de danse de quatrième année !, s’écria Harry en reconnaissant l’endroit.

 

- Exact, affirma Hermione. Bien. Tu es prêt ?

 

- Je crois, dit-il. Il le faut, de toute façon. 

 

- Alors allons-y. Tu as les bases, il faut juste que tu te perfectionnes et que tu sois plus à l’aise.

 

- Attends une seconde !, s’égosilla-t-il de nouveau.

 

- Que se passe-t-il ?, demanda-t-elle alarmée.

 

- On est deux garçons. Il faudra que l’un d’entre nous fasse la fille ! Â»

 

Hermione éclata de rire, ce qui eut le don de vexer Harry qui se renfrogna.

 

« - Oh, ne te froisse pas, s’excusa-t-elle avec un grand sourire. Ce sont exactement les mêmes pas pour les deux, de toute façon.

 

- A la seule différence qu’il y en a un qui mènera et l’autre qui se laissera entraîner, souligna Harry, gêné. Et je n’ai pas de mal à deviner qui voudra être le dominant de l’histoire.

 

- Peut-être pas, proposa-t-elle. Peut-être qu’il voudra se laisser faire, pour une fois. Et je pense que vous échangerez, de toute manière. On s’entraîne pour les deux, d’accord ? Tout d’abord, tu es un garçon et moi une fille. Donc essaie de me faire danser du mieux que tu peux. Â»

 

Il avait l’impression d’être un petit enfant à qui on apprenait à affirmer son autorité. Hermione, en un coup de baguette, lança la musique caractéristique du bal.

 

« - Un, deux et trois, compta Hermione en plaçant une main sur son bras et l’autre dans sa main. Tu aurais dû te mettre en position déjà avant ! On reprend, dit-elle. Un, deux et trois ! Â»

 

Harry plaça ses mains et, embarrassé, marcha sur son pied par inadvertance.

 

« - Désolé, s’excusa-t-il.

 

- C’est pas grave, j’ai mis des grosses chaussettes et des baskets pour l’occasion, dit-elle. Ne sois pas si stressé, imagine que je suis Ma... Drago.

 

- Ne me mets pas plus mal à l’aise que je ne le suis déjà, supplia-t-il en se mordant la lèvre supérieure.

 

- Désolée, rit-elle. Allez, un peu de concentration. Ferme les yeux, au pire. Un, deux et trois ! Â»

 

Il suivit son ordre et s’imagina danser avec son petit-ami.

 

« - C’est déjà beaucoup mieux, le félicita-t-elle au bout de quelques instants. Soit plus souple, moins robotique dans tes mouvements. Et détends-moi ce bras ! Â», ajouta-t-elle avec une rapide claque dessus. 

 

Elle ne cessa de rouspéter et de replacer ses bras pendant la danse, mais au bout de dix minutes, Harry se sentait déjà beaucoup plus à l’aise. Il arrivait à maitriser le rôle de dominant et se sentait plus léger.

 

« - C’est très bien !, l’applaudit Hermione lorsque la musique fut finie. Maintenant, on échange les rôles. Place ta main là. Ici, pas sur mon épaule ! Un, deux et trois. Â»

 

On pouvait penser que c’était plus facile d’être l’entraîné, mais c’était totalement l’inverse : il se sentait balancé là où Hermione voulait et était beaucoup plus tendu, ne sachant pas quel chemin elle allait prendre à chaque fois. Il préférait, et de loin, être le maître de la danse : ce qui ne le rassurait pas du tout.

 

« - Drago voudra forcément diriger, soupira-t-il alors qu’ils faisaient une pause et buvaient un grand verre d’eau. Mais je ne me sens pas du tout à l’aise en tant que dominé.

 

- Ça se ressent, approuva-t-elle. On va s’entraîner encore dix minutes comme ça, et après on remonte à la Salle Commune, d’accord ? On refera une scéance demain. »

 

Il hocha la tête, profondément reconnaissant. Et au bout des dix minutes qui ne furent pas qu’une partie de plaisir, surtout pour les pauvres pieds d’Hermione, ils quittèrent la pièce et regagnèrent la Salle Commune.

 

« - Alors, comment se débrouille l’apprenti danseur ?, se moqua Ron en éclatant de rire.

 

- Très drôle, répondit Harry en lui tapant l’épaule. Je vais prendre ma douche, moi. Â»

 

Un grand sourire lui écarta les lèvres lorsqu’il entendit la voix timide de Ron demander à Hermione si elle voudrait bien danser avec lui aussi dans une semaine, et celle-ci répondre joyeusement par l’affirmative.

 

OooooooOooooooOooooooOooooo

 

Drago ne cessait de passer les couloirs au peigne fin depuis la fin du dernier cours, dans l’espoir de trouver son petit-ami. Car malgré la menace qu’il avait faite envers son père et le mur qu’il avait définitivement planté entre eux, il doutait que Lucius soit parti en chien battu et il commençait à avoir très peur pour la  sécurité du Gryffondor.

 

Quel crétin il avait été ! Qu’est-ce qu’il lui avait pris, une fois de plus ? Il s’était trahi et avait trahi Harry. Il ignorait si son père avait compris qu’il parlait du brun dans sa mention des gens qu’il aimait, mais une chose était sûre : il ne l’avait pas entièrement cru lorsqu’il avait affirmé sortir avec des filles et trouver une abomination à toute autre relation. Et ça impliquait pleinement, en fait, Harry dans le sujet.

 

Après le bal, tout le monde serait au courant, il y aurait des photos qui fileraient à la Gazette bien avant qu’ils aient pu s’infiltrer dans le dortoir de chaque photographe et il ne serait plus en position de nier. Quel en serait le prix pour sa famille ? Ils perdraient l’honneur durement acquis au cours de ces dernières années, c’est vrai, mais ce n’était pas le pire. Son père risquerait-il de se faire tuer ? Peut-être. Cependant, il avait beau haïr son père, il ne méritait pas de mourir de la main de Voldemort. Drago ne pouvait le laisser se faire tuer, car sa mère ne méritait rien de tout ça. Et bien dans ce cas, il la prendrait sous son aile et lui dirait de s’en aller le plus loin possible et de changer d’identité.

 

Mais Harry, dans tout ça ? Ne serait-il pas en danger, lui aussi ? Si, entièrement. Si Lucius ne se faisait pas tuer mais simplement déshonorer, il chercherait à tuer Harry ou a à l’amener à Voldemort. Et à moins que Drago ne le tue avant, ça ne ferait qu’empirer les choses et de toute manière,  on reviendrait au point de départ. Tout s’emmêlait dans sa tête.

 

Il avait le choix : aller au bal avec Harry et risquer sa mort ainsi que celle de son père et l’exil à sa mère,  ou ne pas y aller et tous les sauver d’un sort funeste. Ou persister et vaincre Voldemort avec Harry.

 

Ou rompre avec lui et le sauver définitivement.

 

Ce qui ne laissait qu’une réponse évidente... 

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