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Chapitre 2 : A Poudlard

 

« - Les garçons, dépêchez-vous, voyons ! Vous avez vu l’heure ? », rugit Molly du bas des escaliers. 

 

Jusqu’il y a quelques années, la rentrée se passait tranquillement et dans une bonne organisation ; mais la naissance de Fred et George symbolisa le début de la décadence. Et plus il y eut de monde à habiter dans cette maison, pire ce fut d’avoir un peu d’ordre. Comme si soudainement, le fait d’avoir de nouveaux frères et sÅ“urs les rendait tous plus tardifs et moins pointilleux. Tous, à l’exception de Percy, évidemment, qui patientait devant la porte d’entrée, sa valise prête et bouclée à ses pieds impatients, les bras croisés et un air sévère peint sur le visage. Charlie s’empressa d’empaqueter ce qu’il restait de ses affaires, enroula ses cartes, salua ses dragons (sauf Monsieur Chatouille qu’il posa sur son épaule), entrouvrit légèrement la fenêtre puis ferma la porte de sa chambre avant de dévaler les escaliers. 

 

« - Ce n’est pas trop tôt, jeune homme, maugréa la femme rondelette. Bill, enfin ! Je t’avais dit de te couper les cheveux. Ils sont tellement longs que tu vas bientôt pouvoir les attacher... » 

 

Charlie serra sa mère dans ses bras. 

 

« - Au revoir, maman. 

 

- Au revoir, mon grand, lui répondit-elle doucement. Prend soin de toi, surtout, ne fais pas de bêtises. 

 

- Molly ! », la pressa Arthur. 

 

Elle embrassa ses deux autres fils et les confia à son mari. Une fois que Ron, Fred, George et Ginny leur dirent au revoir, et que Charlie décolla de lui sa petite sÅ“ur au bord des larmes, ils partirent enfin. 

 

Une fois le mur du quai 9¾ traversé, Arthur se tourna vers ses fils. 

 

« - Ne traînez pas. Allez-y, le train va partir ! Au revoir, Percy. Au revoir, Bill. Au revoir, Charlie. 

 

- Papa, fit celui-ci tandis que les deux autres partaient, n’oublie pas mes dragons, hein ? Une petite visite, de temps en temps. Samaël et Lokastiel, ça va –mais ne leur donne pas d’objet fragile ou neuf, bien que j’aie logiquement tout protégé, cependant Ebony a besoin de quelques minutes de présence régulière. Il se sent rapidement seul et... 

 

- Oui, oui, allez, file ! », le pressa son paternel.  

 

Charlie le remercia dans un murmure, partagea une étreinte et courut tout droit vers les portes du Poudlard Express, puis y sauta juste avant qu’elles ne se referment. Traînant sa valise derrière lui, il s’avança vers une fenêtre et salua une dernière fois le grand homme roux de la main, juste avant que le train n’aille trop vite pour qu’il ne puisse plus le voir.  

 

Il avait presque oublié Monsieur Chatouille, qui s’agrippait à son manteau grâce à ses griffes –petites mais néanmoins acérées. Il lui caressa doucement la tête. 

 

« - Charlie ! » 

 

Il se retourna, puis son visage d’abord surpris se fendit en un large sourire lorsqu’il aperçut une jeune fille, bras grand ouverts, se précipiter vers lui. 

 

« - Salut, Jane, sourit-il après qu’elle l’ait brièvement serré dans ses bras (il faisait décidément beaucoup trop de câlins, en ce moment). Content de te revoir. 

 

- On t’attendait. Viens !, fit-elle en le tirant par la manche. 

 

- M’attendre pour quoi ?, demanda le rouquin, amusé. Un combat de mandragores comme l’an dernier ? 

 

- Boucle-là, rétorqua Jane, et dépêche-toi un peu. » 

 

Lorsqu’il entra dans le compartiment, il fut accueilli par de nombreuses bourrades dans le dos. 

 

« - Ça fait plaisir de te revoir, fit Rory Pattson. Toi aussi, p’tit gars. »

 

Le dragon fit un grognement joyeux. 

 

« - Je veux le prendre !, dit la Gryffondor en gigotant son index devant son museau. 

 

- Fais-toi plaisir », répondit Charlie. 

 

La jeune fille, ravie, le saisit et le posa sur ses mains, où il se lova, et le caressa affectueusement. Étrangement, elle était la seule personne, en dehors de son maître, que Monsieur Chatouille aimait. Il appréciait Rory, mais n’aimait pas qu’il s’approche de trop. Jane, en revanche... 

 

Melody Mallen et Thomas Davidson discutaient avec animation. L’une à Serpentard et l’autre à Serdaigle, ils faisaient aussi partie de ses amis, et il les appréciait beaucoup ;  bien que Jane et Rory soient ceux qu’il tenait en plus grande estime.  

 

Il avait rencontré Rory dès le début de la première année, dans les barques sur le Lac Noir. Il faisait un temps affreux, ce soir-là : une tempête Ã  en déraciner le Saule Cogneur, et une pluie battante qui les trempait tous jusqu’aux os. Il était clair que dans l’esprit du petit Charlie, qui avait attendu ce jour comme aucun autre, il y avait un sentiment de déception profond au sujet de cette entrée en la matière. Il voulait paraître grand, digne et faire bonne impression –or rincé de la tête aux pieds, les cheveux aplatis en méduse sur le haut de son crâne et les membres tremblotants, ce n’était pas tellement le cas. 

 

Il y avait un garçon, qui partageait sa barque, que ça ne dérangeait pas le moins du monde : il était plus excité qu’une puce et, tout sourire, pointait du doigt l’immense château que Charlie avait bien du mal à voir avec toute cette pluie. Les yeux d’un bleu profond, les cheveux châtains et bouclés, il semblait le plus heureux du monde. Son enthousiasme avait, au premier abord, quelque peu agacé le rouquin, bougon, qui ne pouvait concevoir qu’il y ait quelqu’un d’heureux dans des conditions pareilles.  

 

« - Eh, ne déprime pas !, avait crié le jeune garçon en voyant son regard. On pourra dire aux autres élèves d’année supérieure qu’on a traversé tout le Lac Noir en échappant à la mort à plusieurs reprises. Peu importe comment ça s’est réellement passé, on a le droit de dire ce qu’on veut. Et puis vois le bon côté des choses : la pluie nettoie les fenêtres ! » 

 

Et il y avait quelque chose de si ridicule dans ce dernier argument, de si enfantin dans sa voix et de si drôle dans la manière dont il l’avait dit, que Charlie avait éclaté de rire. 

 

« - Rory Pattson, s’était-il présenté en essayant de se faire entendre. 

 

- Charlie Weasley », avait-il répondu en répondant de bon cÅ“ur à sa poignée de main. 

 

Il avait fallu peu de temps pour que les deux Première année fassent connaissance et deviennent amis, une fois qu’ils fussent tous deux répartis à Gryffondor par le Choixpeau. Pour Rory, il avait fortement hésité avec Poufsouffle.  

 

Quant à Jane, Charlie l’avait rencontré l’année suivante. Comment avait-il fait pour ne pas la remarquer auparavant, il se le demandait encore : elle ne passait pas vraiment inaperçue. Les cheveux d’un blond clair, les yeux noisette, la jeune fille avait un caractère fort et était tellement déterminée qu’elle avait une fois refusé de sortir de la classe de Potions pendant une demi-heure après la sonnerie, tant qu’elle n’aurait pas trouvé l’origine de son erreur lors de la préparation de l’antidote aux furoncles.  

 

Elle était du style à affirmer ses idées, et adorait lancer un débat constructif. Le jeune Weasley avait véritablement fait sa connaissance le jour où des Serdaigle, dans la Grande Salle, s’étaient moqués de lui à propos de ses indénombrables tâches de rousseur ; ce qui déclenchait le rougissement de ses joues, ne faisant qu’accentuer les moqueries. Jane s’était alors levée, furibonde, et était allée d’un pas  fracassant coller une gifle absolument magistrale au meneur du groupe. Elle lui avait alors rétorqué que s’il se permettait encore une seule remarque du genre, elle « ferait un nÅ“ud marin avec son cou ». Éberlué, la pommette tournant au violet, la claque lui avait coupé le sifflet. Ignorant le professeur McGonagall qui arrivait, le regard énervé et la démarche pressée, la jeune fille, souriante, avait présenté sa main à Charlie. 

 

« - Je suis Jane Artwell. Ravie de faire ta rencontre. » 

 

Il n’avait pas su quoi répondre, aussi avait-il simplement serré la main qu’elle lui tendait, les yeux ouverts de stupéfaction. Le lendemain, elle se présentait plus en détails, et peu de temps après, elle avait intégré le duo que formaient Charlie et Rory –qui la trouvait par ailleurs absolument fascinante. Ils étaient aujourd’hui meilleurs amis, et pour rien au monde il ne les aurait échangés. Souvent, elle dit qu’elle est restée uniquement pour Monsieur Chatouille. Elle n’aime pas parler de ses sentiments, Jane. Mais ses expressions corporelles le font pour elle.   

 

« - Nouvelle du jour : Millicent Bagnold, l’actuel Ministre de la Magie, a déclaré ne pas être en mesure de parler du recrutement d’Artus Vepp, présumé ancien serviteur de Vous-savez-qui, lut Thomas sur la Gazette du Sorcier qu’il tenait en main. De fait, il s’agirait là d’une affaire top-secrète. Nos sources ont cependant pris note d’une question d’espionnage de la part du MACUSA, Ministère de la Magie aux États-Unis

 

- Tant qu’ils ne placent pas leurs sales pattes sur Poudlard, ça me va, dit simplement Melody qui avait tout le même l’air concerné. 

 

- Je ne pense pas qu’ils s’attaquent à Poudlard, répondit Jane. Les futurs experts en magie leur sont trop précieux. 

 

- Sauf quand on a ton niveau scolaire », plaisanta Rory. 

 

Elle le frappa d’un coup sec avec sa baguette. Il faisait exprès, bien sûr : sans être la meilleure de sa promotion, elle restait une élève studieuse et brillante. Elle rangea de côté ses cheveux avec impatience, si lisses qu’ils se mouvèrent en un seul mouvement, comme une étoffe de soie. Comme d’habitude, ne put s’empêcher de remarquer Charlie avec un sourire intérieur dont il parvint à refréner l’extériorité, Rory observa ce geste avec une infime part de trouble visible dans le regard. Le brun était toujours persuadé qu'elle avait des origines Vélanes, mais ne l'avait avoué à son meilleur ami qu'une fois : celui-ci, parti dans un fou-rire incontrôlable, l'avait vexé.  

 

« -  Ni les Mangemorts, ni le MACUSA, ni quoi que ce soit, n’aura main basse sur l’école, affirma-t-elle. Sinon, ils vont voir ce qu’ils vont voir ! 

 

- Je ne préférerais pas pour eux que ce soit toi qui les accueille », fit remarquer Charlie qui imaginait la tornade blonde déferler sur eux. 

 

Thomas replia le journal, avec un rire doux. Il était sans conteste le plus calme d’eux tous : c’était le genre de garçon à ne pas parler pour ne rien dire, aussi était-il discret. Rory pensait même qu’il était muet, avant qu’il ne lui demande en Métamorphose, en troisième année, s’il avait un peu de parchemin à lui prêter. Le Serdaigle, d’une bien étrange façon, était alors lié d’amitié avec Melody, pure Serpentard, assez taquine et lanceuse de piques –mais d’une intelligence rare.  

 

 Â«â€¯- Alors, monsieur le Capitaine, à quand le prochain entraînement ?, demanda Jane à son meilleur ami, tandis qu’elle déballait une Chocogrenouille fraîchement achetée sur le chariot à friandises de la sorcière du train. 

 

- Je l’ignore encore, avoua-t-il, mais c’est pour bientôt. Le prochain match est contre Serdaigle, et si on veut gagner la Coupe, il faudra mettre le paquet. » 

 

Nommé Capitaine de l’équipe de Gryffondor cette année, Charlie avait la chance d’avoir pu faire intégrer Jane, qui avait un sacré talent de batteuse. Rory affirmait toujours que c’était parfaitement approprié, car ainsi pouvait-elle canaliser son énergie en se défoulant sur les Cognards plutôt que sur les gens irrespectueux.  

 

« - Pas de souci là-dessus, répondit-elle en levant le pouce. On va gérer. » 

 

Elle lança une Patacitrouille Ã  Melody et s’engagea dans une conversation animée sur les Canons de Chudley. Ce sport n’avait jamais particulièrement intéressé Rory, qui soupira et laissa la fatigue prendre le dessus –il devait, comme d’habitude, avoir passé la nuit à dessiner. Il ne dessinait pas des cartes comme Charlie, dont les traits étaient rudimentaires, mais de vrais dessins, soigneusement colorés, aux figures souples et incroyablement naturelles. Il avait toujours été très doué en art ; le seul défaut à cette passion, c’est qu’il n’était véritablement inspiré que la nuit. Aussi avait-il un rythme de chauve-souris pendant les vacances. Le brun pouvait aussi bien dessiner des paysages que des portraits –et à ce niveau, Jane était son modèle préféré. Il avait une fois dessiné celui de McGonagall, pour essayer d’avoir quelques points en plus à un devoir désastreux, mais ça n’avait pas marché. Il avait obtenu un « Merci, monsieur Pattson » aimable de la part du professeur, mais pas d’avantage concret. 

 

« - Eh, s’exclama-t-il soudainement. J’aurais besoin de ton privilège de la salle de bain des préfets, au fait. 

 

- La salle de bain ?, répéta Charlie en haussant un sourcil d’incompréhension. Pourquoi ça ? La douche des dortoirs ne te convient pas, peut-être ? 

 

- En fait, rétorqua-t-il, j’avais pensé à faire une blague stupide. 

 

- Je l’oublie toujours, soupira le roux. La fameuse blague de janvier. 

 

- Un rite, une tradition !, pointa Jane du doigt, qui entendait souvent ce qu’elle voulait.

  

- Exact, affirma-t-il. Et donc, j’avais pensé à faire couler le bain en utilisant tous les savons possibles et imaginable – 

 

- De sorte à bien polluer la planète, releva Melody en fronçant des sourcils. 

 

- De sorte, reprit Rory sans se démonter, à en balancer une petite bouteille bien remplie en Verre Cassable sur Rogue. Une petite douche, ça lui ferait du bien, vous ne croyez pas ? 

 

- Tu tiens à mourir à ce point ?, fit Charlie en se passant la main sur la figure. C’est comme, sûr à plus d’un milliard de pourcent qu’il saurait qui lui a balancé une bouteille. Et là, mon vieux, ce n’est pas avec trois mois de retenue que tu t’en sortirais mais avec une exclusion de je ne sais combien de temps. 

 

- Sauf si tu te camoufles avec un sortilège d’invisibilité, proposa Jane tandis qu’elle ôtait ses chaussures avant de se mettre en tailleur, et que tu le fasses dans un endroit bondé.   

 

- Ne l’encourage pas, protesta le Capitaine de Quidditch. Une autre blague ? Tiens, par exemple... » 

 

Il appela Monsieur Chatouille, qui voleta joyeusement dans sa direction.  

 

« - Il fait de jolies flammèches. Il n’a pas la puissance d’un sortilège de Feudeymon, mais il est capable de brûler quelque chose quand même, fit-il en le caressant avec affection. Sans parler de rendre quelqu’un chauve, je pense qu’il y a matière à exploiter.  

 

- Tu veux être notre cobaye ? », proposa Rory avec un sourire taquin. 

 

Charlie se protégea la tête d’un air alarmé et Monsieur Chatouille lança un regard incisif  au brun, qui en haussa des sourcils stupéfaits. Alors qu’il s’apprêtait à ajouter quelque chose, on toqua à la porte du compartiment.  

 

C’était un élève de sixième année de Gryffondor, que le jeune Weasley connaissait seulement de vue. Il le dépassait de quelques centimètres et était aussi sec que Charlie était massif ; son visage aux traits fins mais au nez pointu était quelque peu dissimulé par les grands verres d’une paire de lunettes, qui dévoilaient des yeux vairons. Il avait des cheveux courts, désordonnés et, surtout, colorés d’une teinte argentée.  

 

« -  Salutations, fit-il d’un air un peu lassé. Je parcoure les compartiments depuis un quart d’heure à la recherche de Charlie Weasley. Est-ce que, par hasard... 

 

- Tu tombes à pic, le coupa Melody. Le voici, le voilà juste en face de toi. » 

 

Elle désigna ledit Charlie d’un index vif, dont les mains étaient passées de sa tête au sol –Monsieur Chatouille, effrayé, s'était caché sous la banquette. Une fois repris soigneusement dans ses mains, le Capitaine de Gryffondor leva le museau vers l’élève et ne put s’empêcher d’esquisser un sourire à la fois gêné et intrigué. Le visage du nouvel arrivant s’illumina d’une drôle de façon : 

 

« - C’est donc toi, Charlie Weasley. 

 

- C’est moi », approuva-t-il en caressant son petit animal.  

 

Il l’observa un court instant, le visage indéchiffrable. 

 

« - Parfait. Tu peux venir un instant ? » 

 

Il se leva sans trop se poser de questions, malgré le froncement de sourcils de Jane. Si un tueur en série t’avait proposé des bonbons quand tu étais petit, tu serais mort il y a bien longtemps, disait-elle souvent. Il avait, selon elle, la manie de faire confiance aux gens beaucoup trop rapidement. Mais ici, dans le Poudlard Express et avec un élève, il n’y avait aucun risque sinon celui de se prendre le chariot de confiseries. Ce qui, entre parenthèses, était déjà arrivé.  

 

Une fois tous deux sortis du compartiment, le garçon referma la porte, réajusta ses lunettes et lui sourit.  

 

« - Cool, ton dragon, commenta-t-il en jetant un coup d’œil amusé au reptile. Certains ont des hiboux, des chats ou des crapauds, d’autres ont des Suédois à museau court.  

 

- Tu sais les identifier ?, observa Charlie avec une certaine surprise.  

 

- Ceux-là sont facilement reconnaissables, lui confia le Gryffondor. Des écailles d’un bleu magnifiquement argenté... des flammes d’un bleu plus océanique... Il n’y en a pas beaucoup. » 

 

Charlie le dévisagea sans savoir quoi en penser. La plupart des gens refusaient de s’en approcher, éprouvaient quelque frayeur et, de manière générale, quasiment personne ne se préoccupait de savoir de quelle fichue race il appartenait. Mais quelqu’un qui reconnaissait les dragons et qui semblait y porter un véritable intérêt, il n’y en avait pas des masses.  

 

« - Je ne te cache pas que je suis soulagé de te trouver, lui avoua le garçon avec un regard complice.  Je n'en pouvais plus  de parcourir le train. Les gens sont trop... Curieux. Â»

 

Il resta sur cette phrase quelques secondes, dans le silence, le regard vague porté sur le dragon,  jusqu'à ce que Charlie s'éclaircisse la gorge pour le ramener à la réalité. 

 

« - Pourquoi me cherchais-tu, au juste?

 

- Rien de très officiel, se reprit-il en sortant de sa poche un morceau de parchemin enroulé.  J'ai reçu un message du professeur Brûlopot par hibou. En fait, et ce serait plus exact, tu as reçu un message du professeur Brûlopot par hibou. Mais manifestement, il devait être malade ou quelque peu aveugle, puisque c'est à moi qu'il est venu ; il est reparti de travers sans me laisser la moindre seconde. 

 

- Ernest ? Son Grand-Duc ?, le coupa Charlie, surpris. Il le soigne toujours très bien, c'est étrange qu'il soit malade.  

 

- J'ignore ce qui lui est arrivé en chemin, répondit le jeune homme. En tout cas, j'ai eu envie de me dégourdir les jambes et d'entamer un jeu de piste pour te retrouver moi-même. Bien qu'effectivement, au bout d'un moment, j'en ai eu quelque peu marre. Mais te voilà, en chair et en os, ajouta-t-il avec un sourire en coin qui laissa à Charlie une drôle d'impression. Et voici ton message. Â»

 

Charlie tendit la main et reçut la lettre ; il l'observa un instant, comme s'il avait pu le lire sans l'ouvrir, puis releva la tête. Pendant une fraction de seconde, il s'arrêta sur les couleurs surprenantes de ses yeux ; il venait de remarquer qu'en plus d'être vairons, il s'agissait d'une combinaison de couleurs qu'il n'avait encore jamais vue puisque l'un était bleu quand l'autre était lilas. 

 

« - Merci, fit-il simplement. 

 

- Tout le plaisir est pour moi, Charlie Weasley, sourit le Gryffondor en articulant consciencieusement son nom. Vraiment, un plaisir de t'avoir rencontré. Â»

 

Sur ce, il partit en laissant un roux quelque peu décontenancé, mais ne manqua pas de tourner sa tête aux cheveux d'argent, avant de lui faire un clin d'Å“il et de disparaître derrière un élève de 4ème année particulièrement grand. Quand celui-ci se dégagea du passage, le porteur du message s'était évanoui dans la nature. Charlie cligna bêtement des yeux, planté sur ses jambes, tandis que Monsieur Chatouille commençait à mordiller le parchemin.  

 

«  - Tu comptes rester là toute la journée où tu vas bouger ta crinière avant que le train n'arrive à destination?, l'appela Jane après avoir ouvert la porte du compartiment en un geste lourd. C'est dingue, je n'avais jamais remarqué à quel point c'était bien insonorisé. On a essayé de tendre l'oreille pour entendre ce que Monsieur Mèche-Argentée disait, mais rien n'est passé. 

 

- Tout ce qu'on a pu tirer de cette conversation, reprit Melody en échangeant un regard entendu avec Jane, c'est qu'il te regardait comme si tu étais un dragon. De ton point de vue. Â»

 

Charlie s'assit sur la banquette et laissa voleter Monsieur Chatouille en roulant des yeux en parfaite harmonie avec Rory. Dès qu'il s'agissait d'un individu humain approchant Charlie à moins d'un mètre, il faisait tout de suite l'objet d'une potentielle « source d'intérêts affectifs Â», selon Jane et Melody. Pourquoi Merlin fallait-il que ce soit un critère si majeur ? 

 

Non, effectivement, il n'avait jamais eu de compagnie dans ce sens-là. Mais il s'en portait merveilleusement bien ; il avait sa famille, ses amis, ses rêves et ses dragons : que demander de plus ? Ce genre de relations ne l'intéressait pas, et même si Bill avait essayé de l'y convertir en lui donnant quelques conseils, il s'en fichait quelque peu. Pas qu'il répugnait les autres élèves, mais il n'y avait pas de raison : c'était comme ça, ça avait toujours été comme ça et ce serait peut être toujours comme ça. Ou pas. Il l'ignorait et c'était très bien comme ça. 

 

«  - En revanche, tu ne peux pas nier le fait qu'il t'a intrigué, souligna la Serpentard. 

 

-Évidemment qu'il m'a intrigué, admit le futur Dragonologiste. Ça n'arrive pas souvent, ce genre de choses, pas vrai ? Ça aurait intrigué n'importe qui. 

 

- Bon, et qu'est-ce qu'il te voulait, alors ?, interrogea Rory pour le sauver.

 

- Me donner un message du professeur Brûlopot, répondit-il en montrant le morceau de parchemin. Il lui est parvenu par erreur et voulait me le rendre en main propre. Â»

 

Charlie le déplia sans cérémonies et reconnut de suite l'écriture fine de son professeur de Soins aux créatures magiques.

 

« Charlie,

 

J'ose espérer que vous vous portez à merveille et que vos vacances de Noël furent agréables. J'espère de la même manière qu'Ernest vous a porté ce message en temps et en heure ; j'ignore ce qu'il a en ce moment, mais il semble distrait et s'acharne à apporter mon courrier à n'importe qui.

Les cours de ce semestre vont porter sur des créatures fort intéressantes, et je suis déjà impatient de vous les faire rencontrer. Je radote, car je me fais vieux, mais vous avez une très grande capacité dans cette matière, Charlie.

Si je vous écris, cependant, c'est pour vous informer d'une très bonne nouvelle : les Dragonologistes de Roumanie, dans la réserve de Târgu Mures, ont répondu.

Bien qu'ils soient, d'apparence, des gens aussi féroces que les créatures qu'ils élèvent, Anton Duca me paraît tout à fait charmant. Il est le chef de sa brigade et après avoir consulté votre dossier et vos notes dans ma matière, il se dit très intéressé. Bien sûr, il se montre aussi poli : il n'est pas aussi simple de devenir Dragonologiste, et vous n'avez pas encore passé votre BUSE. Simplement, mes propos, ceux de Rubeus Hagrid et ceux du professeur Dumbledore ont fait leur chemin. Il m'a dit avoir été très impressionné par votre volonté d’intégrer la réserve et qu'il ne doute pas une seconde de la passion que vous nourrissez à l'égard des dragons, cela étant un aspect très positif dans l'optique d'intégrer sa brigade. Il m'a dit également demandé de vous conseiller d'ouvrir l’œil, car vous recevrez sans doute un hibou de sa part dans quelques temps. Ils sont très occupés pour le moment, mais ils gardent votre nom sous la main.

Je vous souhaite une agréable rentrée, Charlie, et vous dit à bientôt pour le premier cours de Soins aux créatures magiques.

 

Amicalement,

Le professeur Silvanus Brûlopot. Â»

 

Le cœur battant et le sourire aux lèvres, Charlie replia la lettre. Les doigts légèrement tremblotants d'une excitation grandissante, il se laissa arracher la lettre des mains par ses amis.

 

« - Mais c'est absolument génial !, s'exclama Jane dont le visage s'était illuminé à la fin de sa lecture. Il va falloir que tu apprennes d'ores et déjà quelques mots en roumain. Ça ferait bien de savoir dire bonjour, quand tu écriras ta lettre de réponse à ce fameux Anton Duca.

 

- Tu nous inviteras dans ta future maison en Transylvanie Â», sourit Rory en lui faisant un clin d'oeil.

 

Melody et Thomas l'applaudirent, enjoués. Rien n'était encore fait, mais Charlie voyait son rêve se rapprocher peu à peu de lui. Il relut inlassablement la lettre du professeur, si bien que ses mains en furent moites. Anton Duca… Ce nom ne lui disait rien, mais il comptait bien mener ses recherches.

 

Il avait envoyé un nombre assez incroyable de lettres depuis quelques mois, sur les recommandations du professeur Dumbledore, aux réserves de Dragonologistes un peu partout dans le monde en se focalisant davantage vers la Roumanie, qui l'intéressait bien plus. Il s'était évertué à ne jamais écrire la même chose pour chaque lettre, de sorte à ce qu'on ne puisse lui faire aucun reproche à ce propos si jamais on venait à relier plusieurs de ses courriers. La plupart devait avoir ignoré son appel, car la demande d'un sorcier de 16 ans sans expérience ni diplôme n'a pas de grande valeur ; recevoir si peu de retour l'avait déprimé, et son moral dans la vie générale en pâtissait. Il se disait parfois qu'il n'avait aucune valeur et qu'il n'avait pas plus de talent avec les créatures magiques que n'importe quel autre élève lambda.

 

Mais ça n'avait aucune importance ! On lui avait enfin répondu, on lui accordait enfin de l'attention et il était prêt à donner ce qu'il pouvait pour qu'il y ait une suite.

 

« - Je reviens tout de suite ! Â», s'exclama-t-il en bondissant de son siège.

 

Beaucoup trop enthousiaste pour sa propre santé mentale, il ouvrit la porte du compartiment et courut dans le couloir du train, sautillant de côté pour tenter de trouver celui qu'il cherchait. Enfin, quand il l'aperçut, il toqua frénétiquement à la vitre jusqu'à ce que la personne désirée lui ouvre, partagée entre l'agacement et la surprise.

 

« - Tu peux me dire un peu ce que tu fiches ? Â», lui demanda Bill en haussant un sourcil.

 

Son frère ne se comportait jamais de la sorte, et il l'avait rarement vu avec une expression aussi démente sur le visage.

 

« - Tais-toi un peu, nigaud, répliqua le cadet en lui brandissant sa lettre sous le nez, et lis-moi ça ! Â»

 

Résistant à l'envie de lui expliquer lui-même d'un trait, les mains croisées dans son dos, Charlie attendit patiemment que les yeux de son aîné parcourent l'intégralité du parchemin. Ceux-ci, au fur et à mesure de la lecture, devinrent plus brillants, un sourire naissant s'élargissait et ses traits s'étirèrent. Enfin, lorsque Bill releva la tête, son petit frère put observer un intense bonheur sur son visage.

 

« - Par Merlin, Charlie ! Â», cria-t-il en ouvrant grand ses bras.

 

Éclatant d'un rire heureux, il le serra dans une éteinte si intense que Monsieur Chatouille en fut presque écrasé et protesta d'un jet de flammes bleues qui irritèrent le pull de son maître. Bill savait à quel point c'était important pour Charlie ; celui-ci l'ignorait, mais il remarquait bien quand il regardait par sa fenêtre en attente d'un hibou avec des yeux tristes. Il était le seul à pouvoir le déceler, et il ne l'ignorait jamais. Aussi, à chaque fois qu'il sentait que le rouquin n'allait pas bien, il lui proposait de venir dans sa chambre discuter et rire ou de faire une partie de Quidditch. Ce n'est pas pour rien qu'il était son grand frère, tout de même.

 

« - Laisse-moi te payer quelque chose à la sorcière du chariot, proposa Bill sans se démunir de son grand sourire. C'est formidable, petit frère ! Â»

 

Charlie avait le cœur gonflé de bonheur et son cœur battait tellement vite qu'il en avait la respiration entrecoupée. Il n'était pas souvent sujet à de telles sources d'enthousiasme et le fait de voir son aîné aussi excité que lui ne le rendait que plus joyeux encore. Il s'imaginait déjà avec des protections de cuir sur les bras, devant les montagnes de la Transylvanie.

 

OooooooOooooooOooooooOooooo 

 

Ce à quoi il aurait aimé échapper, cette année, c'étaient bien le BUSE. Peu après s'être installés dans la Grande Salle, à la table des Gryffondor, les étudiants eurent droit à la remarque qu'il s'agissait « de la dernière ligne droite avant les examens Â» ; Dumbledore ne manquait pas de le rappeler tous les ans, mais cette année, Charlie était concerné par ces propos. Il jeta un coup d'Å“il à Bill, qui passait ses ASPIC en fin d'année, mais contrairement à son frère cadet semblait totalement détendu. Il avait toujours l'air cool et le capitaine doutait qu'il ait déjà connu la définition d'angoisse. S'il y avait une personne à bien la connaître, c'était Jane ; la jeune fille, en entendant ces mots, s'était tendue sur sa chaise comme si un fil invisible cherchait à la rapprocher du plafond. L'air soucieux, elle attachait ses cheveux en tresse –c'était là le signe d'un début de grande concentration- et jeta un regard courroucé à Rory, qui à l'identique de Charlie n'était que peu stressé.  

 

Il continua de balader son regard aux alentours. Jenny Renwell et Grace McHarter, deux filles un peu simplettes de son année, se rongeaient les ongles avec tant de vigueur qu'il ne resterait bientôt plus qu'un moignon. Evan Potts, déterminé à écraser quiconque se mettrait sur son passage, avait un regard fixe et foudroyant qu'il valait mieux éviter. Enfin, Charlie aperçut le garçon du train, qu'il avait complètement oublié depuis qu'il avait déplié la lettre du professeur Brûlopot. Ses yeux si particuliers étaient rieurs, et il discutait avec deux ou trois personnes ; il avait des gestes nonchalants et semblait avoir la manie de redresser ses lunettes. Avec un demi-sourire amusé, le jeune Weasley détourna le regard pour s'attaquer aux pommes de terre qui venaient d'apparaître sur la table. 

 

Son ventre gargouillait tellement que les vibrations engendrées allaient finir par faire s'écrouler les montagnes voisines ; mais en cette journée d'exception, il offrit un petit morceau de ce qu'il avait embroché dans sa fourchette à son animal de compagnie, qui reniflait l'assiette avec envie. Monsieur Chatouille avait beau manger des graines comme ses autres dragons miniatures, il adorait les pommes de terres –c'était un mystère que le Gryffondor n'était toujours pas parvenu à élucider. 

 

Ce soir-là, dans son lit, après un « bonne nuit Â» général des garçons du dortoir, Charlie s'endormit la tête embrumée. Il ne cessait de penser à la Roumanie, et à la lettre qu'il avait relu une autre fois avant de se coucher. En revanche, le visage de l'étudiant du train ne cessait de lui revenir également en tête. C'était étrange, mais il lui aspirait quelque chose de familier, de perturbant, de dérangeant. Il ne savait pas s'il devait avoir à son égard une attitude positive ou de retrait, si jamais ils venaient à se parler à nouveau. Après s'être retourné moult fois sur son matelas, au point qu'il retrouva son édredon au sol le lendemain matin, il décida de ne pas s'en inquiéter car rien ne disait qu'il allait trouver en ce jeune homme inconnu du souci à se faire ; aussi, il oublia derechef le garçon et tomba enfin dans les bras de Morphée.  

 

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