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Chapitre 23: Voyage au Moyen Âge

 

Tous nos regards sidérés étaient fixés sur Scorpius.

 

« - Excuse-moi, s'adressa-t-il à Blanche avec l'air le moins désolé du monde. Il fallait bien agir à un moment ou un autre, pas vrai ? »

 

Ainsi donc, c'était à ça que ressemblait le Puits du Temps. On aurait pu croire à un puits parfaitement normal, si on ne s'y penchait pas et si on ne pouvait sentir cette magie qui en émanait.

 

« - Apparemment, c'est le moment où on doit y aller, dit Gale avec un petit rire nerveux.

- Et vous comptez passer inaperçu en étant habillés en robes de Poudlard ?, ricana Scorpius.

- Merlin !, s'exclama Gale avec une expression horrifiée. Bien évidemment ! Mais où est-ce qu'on va trouver des habits du Moyen Âge ?

- On en achètera là-bas, dit Blanche en sortant de grandes capes foncées de son sac. En attendant, j'ai tout prévu.

- Blanche !, clama-t-il bouche bée. Tu es géniale !

- On les met rapidement, et on y va ! », dit-elle avec l'air satisfait.

 

Quelques instants plus tard, ils étaient habillés comme certains personnages des illustrations du livre des Mystères du Moyen Âge sorcier.

« - Comment je suis ?, demanda Gale en se contemplant.

- Superbe, ris-je.

- Je regrette de ne pas avoir pris mon appareil photo, soupira Scorpius en retenant un éclat de rire moqueur.

- Parfait », dit Gale en prenant une grande inspiration.

 

Il s'approcha du puits.

 

« - Gale !, m'exclamai-je avant qu'il ne bouge. Tu es absolument sûr et certain ? Toi aussi, Blanche ?

- Absolument, confirma-t-il tandis que Blanche hochait la tête avec un léger sourire.

- Je ne sais pas comment te remercier, murmurai-je avec gratitude.

- Généralement, avec un « merci », ricana le Serpentard.

- Ce n'est pas le moment, dis-je en foudroyant Scorpius du regard. Vraiment, merci. Prendre autant de risques pour moi, c'est... Il n'y a pas de mots, tu as accepté directement, je...

- Ne t'inquiète pas, me coupa-t-il en me serrant dans ses bras. Ça va bien se passer. »

 

Je restai dans ses bras quelques secondes, puis il desserra son étreinte et me fit un sourire rassurant. Je remerciai aussi chaleureusement Blanche.

 

« - C'est bien beau tout ça, maugréa le blond en levant les yeux au ciel, mais le temps presse. Vous faites ça pour qu'Automne ne meure pas, mais on ne sait pas quand est-ce que ça va se passer et ça peut donc arriver dans 5 minutes ! Si vous ne pensez pas à vous dépêcher un peu, ça ne servira à rien. »

 

Il avait décidément l'air d'une humeur massacrante, aujourd'hui.

 

« - Puisqu'il faut y aller, il faut y aller, dit Blanche l'air concentré. Je ferai tout mon possible pour nous conduire à bonne destination.

-  Aujourd'hui, nous sommes donc le 5 janvier 2018, il est 12h34, les informai-je en regardant ma montre. Quand vous reviendrez, il faudra donc souhaiter de revenir à cette date, mais à 12h36, comme noté sur ces papiers, dis-je en leur tendant chacun un petit morceau de parchemin sur lequel je venais de griffonner « 05/01/2018 12h36 ». Juste au cas où, si vous oubliez l'heure précise.

- Merci, me sourit Blanche.

- Bonne chance, dit Scorpius avec, pour la première fois de la journée, l'air sincère.

- Rendez-vous dans deux minutes, sourit Gale en prenant la main de Blanche. Mais n'oubliez pas : si à 12h36, nous ne revenons pas, ça signifiera qu'on ne reviendra jamais. Ou du moins, on sera à Poudlard, mais on ne vous connaîtra pas et on ne saura absolument rien sur cette affaire, car on sera nés dans la nouvelle version de l'Histoire. »

 

Et sans prévenir, ils plongèrent dans le Puits du Temps.

 

                                                                               OooooooOooooooOooooooOooooo

 

NARRATEUR : GALE HOPKINS

 

« MOYEN ÂGE, JOUR OÙ GALE DE HAUPEQUAIN A ÉCRIT LE CONTE DE L'AIGLE TRISTE », ne cessais-je d'hurler dans ma tête.

 

Contrairement à ce que je pensais, c'était loin d'être agréable et rapide. On était secoués dans tous les sens, et j'avais l'impression d'être là, serrant la main de Blanche avec toute la force possible, à tourner depuis des heures. Enfin, le tourbillon cessa, et je me sentis l'air me fouetter le visage avant de m'écraser violemment dans un feuillage. J'ouvris un œil, puis les deux...

Les chaumières. Les passants habillés de cottes et de grandes tuniques en toile. Les marchands de fruits et légumes qui échangeaient un sac d'artichauts ou de carottes contre une bourse de pièces cuivrées. Le décor similaire à celui de mon rêve...

 

« - Tudieu ! Repris à forfet ! »

 

Un vieil homme nous tira du buisson par nos capes, l'air énervé.

 

« - Excusez-nous, tentai-je en aidant Blanche à se relever.

- Ah, les de Haupequain !, continua-t-il à grogner.

- Lâchez-nous !, pestai-je e nous dégageant de sa poigne. Nous devons partir alors taisez-vous et laissez-nous, compris ? »

 

Il ne sembla pas comprendre un seul mot de ce que je lui dis, mais il finit par repartir en râlant.

 

« - Il nous a reconnus !, dit Blanche avec joie. Nous avons réussi ! Nous sommes dans la bonne époque et le jour où tu as écris le Conte !

- Tu es sûre de ça ?, demandai-je sceptique.

- Bien sûr, confirma-t-elle avec un sourire. On a tous les deux souhaité revenir à cette journée précise donc nous y sommes.

- Très bien ! Maintenant, comme tu as dit tout à l'heure, il faut qu'on aille s'acheter des vêtements, parce que tout le monde nous regarde.

- Il y a très sûrement de l'argent dans notre maison, dit-elle en rajustant sa cape.

- C'est drôle, quand même, qu'on ait été mariés », ris-je alors que l'on se dirigeait instinctivement vers notre chaumière.

 

Blanche sourit, ses pommettes rougissant à nouveau.

 

« - Regarde, c'est notre maison, murmura-t-elle soudainement.

- Absolument », confirmai-je avec une drôle d'impression dans le ventre.

 

C'était une simple mais jolie petite chaumière, décorée de quelques fleurs. C'était vraiment étrange de se sentir chez  moi alors que je me trouvais au Moyen Âge.

 

« - Attends !, arrêtai-je Blanche qui s'apprêtait à entrer. Ça marche peut être comme les Retourneurs de temps, et dans ce cas il y a les autres nous !

- Je ne pense pas, répondit-elle du  tac au tac mais l'air hésitant. On se fait discrets et on verra bien !»

 

Elle poussa la porte, légèrement entrouverte. Le silence qui régnait dans la chaumière laissait penser qu'effectivement, nous étions seuls.

 

« - Je vais aller chercher l'argent, dis-je rapidement à Blanche. Fais le bruit d'un oiseau s’il y a un problème ! »

 

Elle rit, dévoilant ses dents blanches et alignées et me faisant sauter le cÅ“ur. Je lui souris, puis me lançai avec le maximum de discrétion possible à la recherche d'argent. Quand même, quelle histoire de dingue... Mais où est-ce que les paysans  rangeaient leur argent ? Certes, c'était sûrement moi qui l'avais rangé, mais fallait pas trop m'en demander non plus, ça remontait à une vie antérieure quand même, c'est-à-dire pas tellement la veille.

Enfin, je vis une espèce de petite malle... Avec un cadenas.

 

« - Que je sois maudit », grommelai-je stupidement contre moi-même.

 

Il fallait trouver la clé, à présent. Et à tous les coups, ce n'était pas de l'argent dans cette malle, mais une coupe précieuse qui aurait appartenu à une arrière grand-tante.

Où est-ce que j'aurais bien pu cacher la clé ? Sous un matelas, sous un tapis... ? Je soulevai la boîte cabossée.

 

« - Sous la malle ?! Gale de Haupequain, tu étais décidément un abruti. »

 

Il n'y avait pas pire comme cachette. Mais au moins, je l'avais. Je tournai la clé dans la serrure du cadenas, non sans difficultés.

 

« - Je l'ai !, dis-je à Blanche, une bourse bien remplie à la main.

- Nous n'étions pas très riches, commenta-t-elle en haussant un sourcil devant l'unique petit sac de pièces.

- Nous n'étions pas des bourgeois, rappelai-je en fourrant la bourse dans la poche de ma cape. On file acheter le nécessaire et on attend.

- Mais qu'attend-on ?, demanda-t-elle en sortant de la chaumière après avoir fermé la porte. On ignore encore s'il y a les autres nous, comme ça aurait fait avec un Retourneur de Temps, ou si ça a été « annulé » et que nous sommes là pour modifier ce que l'on veut.

- On finira bien par le savoir, répondis-je en haussant les épaules. Soit on se verra, soit j'aurai mon éclair d'inspiration ce soir. »

 

Nous nous dirigeâmes vers un marchand de vêtements.

 

« - Bonjour, saluai-je avec le sourire le plus aimable possible.

- Les de Haupequain !, gronda-t-il d'un air rabougri. Peste soit de vous ! Coqueberts ! Baronnets ! »

 

Je pris Blanche par le bras et m'éloignait du marchand qui pestait toujours.

 

« - Tout le monde nous déteste, ou quoi ?!, grogna Blanche avec agacement.

- On dirait bien, répondis-je avec un soupir, tout aussi irrité qu'elle. Mais il nous faut des vêtements au plus vite, alors il aura intérêt à nous en donner s'il veut de l'argent.

- On va avoir du mal à se comprendre, releva-t-elle. On ne parle pas avec le même langage.

- Oui, et bien il va piger si je lui montre des vêtements et surtout ma bourse, marmonnai-je en haussant les épaules. »

 

Malgré l'expression réticente sur le visage de Blanche, je m'avançai à nouveau d'un pas ferme vers le marchand.

 

« - Je voudrais des vêtements pour homme ainsi que des vêtements pour femme, s'il vous plaît », demandai-je d'une voix forte avant qu'il ne puisse se remettre à protester.

 

Il me regarda d'un air ébahi puis commença à exploser d'un rire gras avec d'autres paysans présents.

 

« - Je voudrais des vêtements pour homme ainsi que des vêtements pour femme, s'il vous plaît », répétai-je en serrant des dents, commençant à sentir mon pouls au niveau du cou.

 

Les rires redoublaient lorsqu'un homme arriva de nulle part, encapuchonné, et parla au marchand avec vigueur en utilisant le langage médiéval. Celui-ci blêmit, puis farfouilla dans son étal avant de me tendre des habits -à l'aspect plutôt douteux, d'ailleurs.

 

« - Prenez 6 pièces en argent et 1 pièce en bronze », me dit l'homme mystérieux.

 

Je tendis les pièces au marchand, qui me les arracha des mains et se retourna furieusement en bougonnant.

 

« - Merci, dis-je partagé entre la reconnaissance et la surprise. Vous parlez... Je veux dire...

- Le langage de votre époque, tout à fait, sourit-il.

- Comment est-ce que... ?

- Plus tard, répondit-il à Blanche. Habillez-vous d'abord avec autre chose que ça, ajouta-t-il en désignant nos capes. Les vêtements qu’il vous a vendus ne sont pas de la première qualité, mais si je comprends bien, vous n'êtes pas là pour très longtemps. »

 

D'un commun accord avec Blanche, je me retins de poser d'autres questions à cet homme qui semblait avoir des connaissances sur ce que nous faisions. Et on ne pouvait voir aucune parcelle de son visage, tant cette capuche était immense...

 

« - J'habite juste à côté, ajouta-t-il en nous faisant signe de le suivre. Vous vous changez et vous pourrez me poser toutes les questions que vous voulez. »

 

Je pris la main de Blanche, qu'elle serra avec anxiété. L'homme nous ouvrit la porte, puis nous laissa entrer : l'intérieur de la chaumière ressemblait beaucoup au nôtre, ce qui laissait penser qu'il avait le même mode de vie que nous avions eu. Mais il avait cette particularité effrayante qui avait fait blêmir le marchand lorsqu'il lui avait dit quelque chose. Ça me faisait penser à quelqu'un... Mais...

 

« - Malefoy ?!, m'exclamai-je abasourdi.

- Quel bon détective, répondit l'homme en enlevant enfin sa cape. En effet, mon nom est Malefoy. Winfrid Malefoy. »

 

Il avait, sans surprise, de longs cheveux lisses, d'un blond platine, des yeux d'un métal perçant et un sourire froid. Ses habits, dans les tons verts et argent, avaient un aspect très bourgeois -et carrément mieux, en terme général, que ce que nous avions acheté. En un mot, Malefoy.

 

« - Mais... Comment...

- Changez-vous, ordonna-t-il une nouvelle fois en désignant une porte qui devait être celle d'une chambre. Si une autre personne vous voit affublés de ces capes ridicules, vous allez déclencher une émeute. »

 

Il avait exactement le même sarcasme que Scorpius. Il fallait croire que c'était de famille.

 

« - Comment se fait-il qu'il sache parler comme à notre époque ?, me chuchota Blanche après avoir fermé derrière nous la porte de la chambre. Et qu'il sache que nous ne sommes pas là pour très longtemps ?

- Je l'ignore, répondis-je tout en faisant apparaître un paravent d'un coup de baguette. Mettons ces habits et ensuite, il répondra à nos questions.

- J'apprécie cette délicate attention, sourit-elle devant le paravent, les yeux rieurs.

- Je t'en prie », souris-je à mon tour en lui tendant ses vêtements.

 

Ils étaient légèrement trop grands pour moi, ainsi qu'usés et à la propreté douteuse, mais ça faisait parfaitement l'affaire. Blanche sortit de derrière le paravent puis éclata de rire.

 

« - Tu es magnifique, dit-elle en réajustant le tablier de sa robe.

- Toi aussi, et je ne suis pas ironique, répondis-je en sentant une fois de plus mon cœur se décrocher. J'ai l'air d'une pauvre cloche à côté de toi.

- Ne dis pas de bêtises, rit-elle en fourrant tous nos vêtement dans son sac -qui avait subi le sortilège d'Extension Indétectable. Allez, viens, c'est l'heure de l'interrogatoire. »

 

Malefoy nous attendait patiemment, jouant d'une main avec une pomme. Un  léger rictus de dédain apparut sur son visage tandis qu'il nous analysait de bas en haut.

 

« - Comme vous l'avez dit, nous ne sommes là que pour quelques heures, alors excusez-nous de ne pas avoir acheté des cottes en satin, sifflai-je.

- Pas de problème, répondit-il tranquillement d'un air amusé en détachant enfin son regard des fils qui pendaient de ma tunique déplorable. Où en étions-nous ?

- Vous le savez très bien, dis-je d'un ton plus calme.

- Il se trouve que la sorcière Cassandra a le don de prophétie, déclara Winfrid avec le même ton posé.

- Le don de prophétie ?, le coupa Blanche avec un drôle d'air. Cassandra ? Merlin ! Vous voulez dire... Cassandra Trelawney ? L'aïeule du professeur Trelawney ?

- C'est exact, confirma-t-il en mordant dans sa pomme.

- Cassandra ?, demandai-je en fronçant des sourcils. Je croyais que c'était Cassandre...

- Cassandre est la sorcière qui se dit maléfique, dit Malefoy. Elle s'est attribué le même nom que Trelawney, à une lettre près, afin d'essayer de se faire passer pour elle et d'obtenir le pouvoir. Elle a donc essayé de la tuer, mais la voyante l'avait vu et sa tentative a échoué. De la même façon qu'elle a tenté de vous faire tuer par les paysans, Gale, en leur révélant que vous étiez un sorcier, étant quelqu'un de potentiellement dangereux pour elle.  Trelawney m'a prévenu que je vous rencontrerai, et m'a expliqué vos raisons. Ainsi donc, vous revoilà au Moyen Âge pour changer le conte que vous avez écrit. Ou du moins, que vous allez écrire.

- Absolument, répondis-je avec un hochement de tête. Sur ce point, il y a une dernière question que nous nous posons : est-ce que les « autres nous » sont ici... ? »

 

Il jeta le trognon de son fruit, puis réfléchit quelques longues secondes, avant de se lever et d'observer à travers la fenêtre.

 

« - En effet, je pense qu'ils n'ont pas disparu, et j'ai bien peur de devoir vous dire que si c'est le cas, il vous faudra accepter de ne jamais pouvoir retourner d'où vous venez. »

 

                                                                                           OooooooOooooooOooooooOooooo

 

On pouvait voir, à travers la fenêtre, le ciel prendre une teinte magnifiquement orangée. Nous étions assis sur le lit de la chambre de Malefoy, silencieux, l'entendant parfois s'affairer à son travail.

 

« - C'est beau, non ?, murmura Blanche, les yeux dirigés vers le soleil couchant.

- Blanche, dis-je avec honte. Je suis tellement désolé... »

 

Elle tourna son regard bleu vers moi, et je vis, horrifié, une larme qui s'apprêtait à couler de son œil gauche. Elle sourit faiblement puis reporta son attention sur l'extérieur.

 

« - Ce n'est pas grave, mentit Blanche, la voix légèrement tremblante. Ce n'était qu'une supposition, peut être que nous sommes les seuls exemplaires de Blanche et Gale de Haupequain. »

 

Ma gorge se serra tandis que mon cœur mourrait. Je l'avais mêlée à notre histoire. Je l'avais amenée ici. J'avais condamné Blanche à rester vivre au Moyen Âge à tout jamais et à ne revoir sa famille que dans ses rêves...

 

« - Je suis un pauvre abruti, un égoïste fini et un sombre naïf !, me maudis-je, furieux contre moi-même, alors que je serrais Blanche dans mes bras. Ne te force pas à me pardonner, pitié, ne fais pas semblant. »

 

Elle ne répondit pas et se nicha contre moi.

 

« - Je ne t'en veux pas, répondit-elle avec douceur. Je savais les risques que je prenais en venant ici, et malgré le fait que l'on a bien failli se faire jeter des tomates par un crétin de marchand, je ne regrette rien. Ma famille ne verra aucune différence, ce sera comme si je n'avais jamais été au courant de quoi que ce soit. Elle ne souffrira pas... »

 

J'essuyai la larme qui avait fini par fuir et rouler sur sa joue. La voir pleurer me transperçait le cœur, et de savoir que c'était à cause de moi me donnait l'impression qu'on me le déchiquetait à la hache.

 

« - Ne te sens pas coupable, dit Blanche en devinant mes pensées. Tu ne pouvais pas savoir ce qui se passerait, et tu as fait ce qu'il fallait, non ? Il ne m'est rien arrivé, rappela-t-elle avec un rire cassé. Je le savais bien. »

 

C'était moi qui l’avais condamnée, et c'était elle qui me réconfortait. Je ne pouvais être plus honteux et grotesque qu'à cet instant.

« - Ne t'en fais pas, d'accord ?, tentai-je de la rassurer en resserrant mon étreinte. Il y a toujours une chance sur deux que nous puissions repartir d'ici.

- Mais quand le saurons-nous ?, demanda-t-elle en prenant ma main. Est-ce qu'on ne peut pas tout simplement retourner dans notre chaumière et attendre de voir si on arrive ?

- C'est risqué...

- Mais si on ne le fait pas, on ne saura jamais, tu ne crois pas ? »

 

Elle avait raison. Si on restait dans cette chambre, tout ça n'aurait servi à rien. Et modifier le Conte était la raison de notre voyage dans le Temps ; ou du moins, en quelque sorte, de notre sacrifice insoupçonné il y avait encore une demi-heure...

 

« - Vous partez ?, demanda Malefoy en levant un œil vers nous alors que nous quittions la chambre.

- En effet, affirmai-je. Merci de votre hospitalité, Mr Malefoy, mais nous devons partir si nous voulons au moins faire ce pourquoi nous sommes ici.

- Je vous raccompagne, dit-il en se levant et en remettant sa cape. Ce n'est pas très prudent de vous promener dehors ce soir, non seulement avec Cassandre qui veut vous dénoncer mais avec le reste du village qui ne vous apprécie pas des masses. En fait, le mieux serait de remettre vos capes.

- Vous voulez dire que l'on a acheté ces vêtements pour rien ?!, m'indignai-je pendant que Blanche sortait les capes de son sac.

- Pas vraiment, répliqua Winfrid d'un ton sec en ouvrant la porte, si vous restez vivre au Moyen Âge. Taisez-vous maintenant, et

restez près de moi. »

 

Les marchands qui restaient étaient en train de plier bagage. Ils nous jetèrent un regard mauvais. Blanche commença à me dire quelque chose, mais Malefoy leva la main pour l'interrompre. On se croyait en temps de guerre !

 

« - C'est ici, indiquai-je à Malefoy. Merci beaucoup.

- Je vous en prie, répondit-il avec un ton sincère. Ne sortez pas d'ici. Et bonne chance à vous. »

 

Après un remerciement et, je l'espérais, un dernier au revoir, je poussai discrètement la porte de la chaumière. Il n'y avait aucun bruit. J'échangeai un regard d'espoir avec Blanche.

 

« - Il faudrait retrouver l'endroit où tu as écrit le conte, chuchota-t-elle -sans doute par peur que les autres nous arrivent d'un moment à un autre.

- C'était dans mon bureau, répondis-je sur le même ton en tentant de me rappeler le maximum de détails de mon rêve.

- Peut être à l'étage, suggéra Blanche.

- Oui, peut... Il y a un étage ?!, répétai-je stupéfait.

- Il y a un escalier, indiqua-t-elle en le désignant du doigt.

- Il n'y a jamais d'étage dans les chaumières !, fis-je ébahi.

- Dans les chaumières moldues, en tout cas », se moqua gentiment Blanche avec un petit rire.

 

Elle m'embrassa rapidement pour m'empêcher de protester -FICHU cœur qui va finir par me lâcher !- puis se dirigea vers la porte que j'avais indiqué.

 

« - Je fais le guet ici pendant que tu iras en haut, me dit-elle tranquillement. Même signal en cas de problème, on gazouille ! »

 

J'éclatai de rire et montai à l'étage, qui, par la barbe de Merlin, ne pouvait être plus différent que le rez de chaussée. Il était plus propre, plus soigné ; les meubles, bien qu'aussi usés que les autres, étaient moins poussiéreux et la pièce en elle-même dégageait quelque chose de plus moderne.

Il n'y avait cependant rien. C'était logique, cependant : j'avais passé la nuit à écrire le conte et il était donc encore trop tôt, le ciel venant à peine de revêtir son manteau d'étoiles.

 

« - Tu n'as rien trouvé ?, constata Blanche une fois que je fus redescendu les mains bredouilles.

- Il est trop tôt, rappelai-je déçu. Il faut attendre. En tout cas, nous ne sommes toujours pas là, pas vrai ? Et je doute que l'on puisse traîner dehors à une heure pareille.

- C'est vrai, admit-elle avec une lueur d'optimisme dans le regard. Mais qui sait, si nous ne sommes pas allés voir quelque part.

- Pour avoir la réponse, et si nous allions voir Trelawney ?, proposai-je avec un enthousiasme naissant, cette idée m'ayant traversé l'esprit.

- Trelawney ? Elle ne pas va pouvoir nous répondre, contredit Blanche avec une moue désolée. Les prédictions viennent par flash ! De plus, Malefoy nous a interdit de sortir.

- Ce n'est sûrement pas Malefoy qui nous traitera comme des enfants, grognai-je de mauvaise humeur. Si on a besoin de sortir, on le fait prudemment, c'est tout. Ça te dit de sortir un peu ? Juste quelques instants, ajoutai-je au vu du regard accusateur de Blanche. Il fait vraiment chaud, ici. »

 

Malgré le fait que Poudlard était l'un des plus beaux endroits que je n'avais jamais vu, il fallait avouer que le village qui dormait était splendide. Sûrement parce que c'était le décor que tous les enfants avaient vu dans leurs livres de contes...

 

« - Si j'avais su que je réussirais à plonger dans la vie des chevaliers que j'admirais tellement », ris-je doucement alors que nous étions assis sur de l'herbe, profitant d'une vue splendide sur la grande place du village.

 

Blanche sourit, puis bailla avant de poser sa tête sur mon épaule...

 

« - Gale ! Réveille-toi !

- Mmmrff...

- On s'est endormis ! Il va bientôt faire jour !

- MERLIN ! »

 

En effet, le soleil était déjà en train de se réveiller depuis un bon bout de temps et n'allait pas tarder à l'être entièrement. Il fallait rentrer à la chaumière IMMÉDIATEMENT !

 

« - Vite, il faut modifier le conte ! », me pressa-t-elle avec panique.

 

J'avais l'impression qu'une musique typiquement irlandaise nous entraînait alors que nous courrions comme ce n'était pas possible, passant devant les chaumières à toute vitesse et manquant de se prendre quelque chose ou quelqu'un à chaque fois. J'entraînais Blanche de la main, ignorant mes jambes qui commençaient à me faire mal. Un musicien de rue, qui installait ses affaires, nous fit un grand sourire et abaissa son chapeau, ce à quoi je répondis par un joyeux signe de la main. Tout compte fait, il y avait au moins quelqu'un d'aimable !

Enfin, à bout de souffle, nous arrivâmes devant notre maison... Dont la porte était une fois de plus entrouverte. Je la poussai le plus silencieusement possible : la chaumière était toujours vide.

 

« - Blanche, je crois bien que nous sommes seuls une fois de plus, soufflai-je avec une intense vague de joie.

- Allons vite à l'étage », dit-elle en lâchant ma main.

 

C'est à pas de chat que nous grimpâmes les escaliers. Il n'y avait personne.

 

« - Nous sommes seuls !, répétai-je en haussant le ton. Les autres nous ne sont pas là !

- Pas de conclusion hâtive, répondit-elle avec une crainte toujours présente dans la voix. Il ne faut pas... Gale, regarde ! »

 

Elle désigna avec un mélange de surprise et d'horreur un parchemin sur le bureau, qui était absent quand j'étais allé voir la veille. Je m'approchai et le saisis, les doigts tremblants. L'Aigle Triste.

Il était bel et bien écrit, et si j'en croyais l'encre foncée, il était fraîchement terminé. Il venait d'être écrit... Mais par qui ? Je ne l'avais pas fait. Ce ne pouvait être que Gale de Haupequain. Ce qui signifiait clairement...

 

« - ... Nous ne sommes pas seuls », achevai-je à voix haute.

 

Blanche s'assit brutalement sur la chaise.

 

« - On s'en doutait, de toute manière.

- A moins que ce ne soit arrivé par magie, risquai-je décidé à m'accrocher à chaque espoir. Regarde, peut être que j'avais mal vu tout à l'heure ou alors que Trelawney ou même Malefoy l'aient glissé là.

- Tu le penses vraiment ?, demanda-t-elle en haussant un sourcil sceptique.

- ... Pas vraiment, avouai-je avec difficulté. Mais on n'est sûrs de rien. Regarde, on ne s'est pas vus du tout ! Si tout le village nous détestait, je ne vois pas pourquoi on passerait notre temps à sortir. En tout cas, maintenant, il faut le modifier, car c'est pour ça qu'on est là.

- Très bien, alors je te laisse », sourit tristement Blanche.

 

Elle descendit l'escalier sans rajouter autre chose. Dans un soupir, je m'assis, saisis ma baguette et effaçai les derniers paragraphes avant de saisir la plume plantée dans l'encrier. Il était temps de remplir ma mission.

Je reposai la plume sur le bureau après peut être une heure d'écriture. On avait réussi. S'il y avait bien une chose pour laquelle j'étais heureux en ce moment, c'était de savoir qu'Automne survivrait. Oui, elle ressentirait peut être de la culpabilité en ne nous voyant jamais revenir du puits, et en ne voyant qu'un Gale qui ne la connaîtrait pas, mais elle serait saine et sauve. Je comptais sur Scorpius pour la protéger, à l'avenir, comme je l'aurais fait. Un sourire heureux s'étira sur mon visage.

 

« - Tu l'as fini ?, demanda soudainement Blanche, qui était arrivée.

- Oui Â», dis-je avec soulagement.

 

Alors qu'elle s'apprêtait à répondre, un bruit de claquement de porte se fit entendre. Par réflexe, je me mis devant Blanche, et m'armai de ma baguette. C'était peut-être Cassandre.

 

« - Gale !, s'écria Blanche d'un ton joyeux.

- Ne fais pas autant de bruit !, lui chuchotai-je scandalisé.

- Mais ce n'est pas moi qui ai parlé », me répondit-elle la voix tremblante.

 

Blanche et Gale de Haupequain parlaient vivement au rez de chaussée. Je disais que j'avais écrit un conte fabuleux, que cette fois on me respecterait. La Blanche à côté de moi laissa tomber sa tête contre mon épaule. Je devinai aussitôt qu'elle avait gardé espoir ; elle ne pleurait pas, elle ne parlait pas, mais je pouvais ressentir toute la douleur qu'elle tentait de dissimuler -ça me faisait tellement

mal. Je laissai tomber ma baguette au sol, et la pris dans mes bras.

 

« - Il faut qu'on trouve un moyen de partir, murmurai-je difficilement. Je ne vais pas tarder à monter pour te montrer le conte. »

 

Elle hocha silencieusement la tête. L'un des sorts auquel j'avais toujours été le plus doué, et j'ignorais pourquoi, était le sortilège de Désillusion. Blanche frissonna lorsque j’exécutai le sort, et j'avais moi-même l'impression qu'un courant froid me glissait le long du dos.

 

« - On va aller près des escaliers quand on les entendra monter, dis-je toujours à voix basse. Et quand ils seront au bureau, on descendra. D'accord ? »

 

Elle hocha la tête une nouvelle fois, et on s'assit jusqu'à entendre leurs pas dans l'escalier.

 

« - Si j'avais su que je vivrais quelque chose d'aussi dingue, rit doucement Blanche.

- Je crois que tu n'y aurais pas cru une seule seconde, répondis-je sur le même ton.

- Trelawney le savait, en tout cas.

- Cassandra ? Oui, évidemment, elle l'a dit à Malefoy.

- Je parle de la Trelawney de Poudlard. Elle m'a dit, l'année dernière -enfin, si on peut parler « d'année dernière »-, que j'allais voyager là où je n'aurais jamais pensé voyager, accompagnée de la personne avec laquelle je n'aurais jamais imaginé être. »

 

Je l'avais senti rougir en ajoutant la dernière partie de sa phrase.

 

« - Comme quoi, elle arrive quand même à prédire certaines choses, fis-je surpris. Elle a toujours passé toujours son temps à « m'informer de la mort d'un être cher », et parfois de ma propre mort.

- Un peu comme avec tout le monde, rit-elle. On arrive ! »

 

En effet, ils commençaient à monter. On se tassa le plus possible contre le mur tandis qu'ils pénétraient à l'étage. Lorsqu'ils atteignirent le bureau, j'attrapai à tâtons la main de Blanche et on descendit avec une extrême prudence l'escalier... Jusqu'à ce qu'un énorme grincement résonne dans toute la chaumière.

 

« - Écoute! », dit le second Gale alors qu'il avait le parchemin en main.

 

Je ne pus m'empêcher de réaliser qu'ils parlaient eux aussi le langage de notre époque. Je n'en n'avais même pas pris conscience en voyant le conte !

 

« - Quel était ce bruit ?, demanda-t-il en fronçant les sourcils.

- C'était l'escalier, répondit Blanche en haussant les épaules. Ce n'est point grave, tu sais combien ça arrive souvent. »

 

Je sentis la main de Blanche agripper avec peur à mon bras alors que mon cœur battait la chamade. Gale se tut quelques instants, puis se mit à expliquer l'histoire.

 

« - Merlin ! Je n'avais pas pensé à ça !, soufflai-je à Blanche. S'il se rend compte que la fin de l'histoire a été modifiée, c'est foutu !

- Descendons au plus vite avant qu'ils ne descendent eux-mêmes, murmura-t-elle. Il n'a pas l'air d'y prêter attention. »

 

On arriva enfin au rez de chaussée. Ma tête tournait horriblement sous l'effet du stress et je pouvais sentir Blanche trembler. Je vis Gale fourrer le conte dans la poche de son pantalon -à l'aspect un peu étrange, d'ailleurs- puis descendre, joyeux, avec Blanche.

 

« - On peut sortir, maintenant, chuchotai-je. Je ne le ressortirai pas avant... Avant ce qui se passera. »

 

Heureusement, la porte s'était ouverte à cause du vent, et nous réussîmes à nous faufiler à l'extérieur. D'un commun accord, on alla à l'endroit où nous avions dormi.

 

« - On peut enlever le sortilège maintenant, non ?, demanda Blanche.

- Il vaut mieux rester cachés, dis-je en m'asseyant sur l'herbe. Imagine si Cassandre nous voit...

- Oui, tu as raison, mais ici, on est en sécurité, non ? Il nous suffit de bien mettre nos capes.

- C'est risqué... Je ne veux pas qu'il t'arrive quoi que ce soit, tu te souviens ? »

 

Et ça commençait à tourner film à l'eau de rose. Peut-être oui, qu'on était légèrement guimauves, mais il n'y avait personne pour en juger. Du moins, plus personne. Je sentis sa tête se poser contre mon épaule. Il ne restait plus qu'à attendre. Attendre que Cassandre ne me dénonce -enfin, l'autre, que je m'enfuie en courant, que Blanche ouvre le puits et que je m'y jette, puis qu'elle s'y jette à son tour. Ensuite, quoi ? Il faudra partir très loin d'ici. Prendre l'argent qui restait dans la maison, des habits. On avait peut-être même un cheval. Puis partir vivre ailleurs.

Et on attendait. On attendait presque impatiemment cet instant où notre sort serait officiellement scellé. Et pourtant, tout semblait aller tellement vite. Trop vite. J'avais l'impression qu'il s'était passé 5 minutes entre notre départ et cet instant.

Je me mis à réfléchir des endroits où habiter. Je n'avais même pas pensé à demander à Malefoy dans quel village nous étions ! Mais... Attendez...

 

« - On est là où Poudlard a été construit, pas vrai ?, demandai-je soudainement.

- Pardon ?, répondit Blanche avec surprise.

- Oui, je veux dire, le Puits du Temps permet de voyager dans le temps, pas dans l'espace, expliquai-je. Nous sommes donc à l'endroit précis où nous sommes partis, dans ce qui sera le futur parc.

- Mais Poudlard a été construit au Moyen Âge, justement, répondit Blanche -avec, j'imaginais, les sourcils froncés. Donc logiquement, il serait déjà là, non ?

- Il a dû être créé plus tard, dis-je avec une soudaine logique. Ce qui signifie que nous sommes au beau milieu des Highlands ?

- J'ignorais... Enfin, je ne veux pas dire que les Highlands ne sont que des montagnes inhabitées, mais un si grand village ? Qui-plus-est, là où vit un Malefoy. Tu ne trouves pas ça étrange ? »

 

Elle avait raison. C'était anormal que tout soit lié de façon si simple, que tout s'enchaînait avec logique...

 

« - Comme par hasard, j'ai été pris d'un sentiment particulier pour Automne, dès le départ, alors que j'ignorais qui elle était si ce n'était par le biais du conte. Elle a été prise d'une amitié insoupçonnée avec Scorpius Malefoy dont aïeul vit, comme par hasard, les mêmes années que nous, Gale et Blanche de Haupequain. Et dès que je t'ai connue, j'ai ressenti un... Attachement pour toi, et j'ignorais qu'on avait été mariés dans une vie antérieure, je n'avais pas fait le rêve. Cassandre Trelawney, l'aïeule du professeur Trelawney, ici, pareil, la même époque. Il y a bien trop de coïncidences pour que tout ceci ne soit qu'hasard ! Blanche... Est-ce que tout ceci est réel ? »

 

Il y eut un silence chargé de doute.

 

« - Gale, je t'en prie, soupira Blanche avec fatigue. Tu ne vas pas aller jusqu'à dire que nous sommes actuellement dans un monde parallèle ?

- Bien évidemment que non, dis-je -malgré tout incertain. Je dis juste que ce n'est pas normal !

- Ça l'est, me contredit-elle fermement. Enfin, non, mais je veux dire... Cette histoire est écrite dans le livre que vous avez trouvé.

Dire que cette histoire est irréelle signifie que le reste l'est, et que dans le monde que nous croyions vivre est irréel aussi. Tu saisis ? C'est donc très étrange, et je l'ai dit moi-même, mais nous ne sommes pas dans un autre monde.

- Je ne dis pas ça, commençai-je à m'énerver. Mais nous sommes remontés dans le temps. Qui sait si nous n'avons pas atterri dans la légende ?

- Donc, un univers parallèle, répéta Blanche avec un agacement à présent affirmé. De toute manière, qu'est-ce que ça change, hein ? On est coincés ici ! C'est tout ! On ne pourra jamais repartir !

- Mais ça pourrait changer bien des choses !, m'exclamai-je en me levant avec colère. Si ci, les conditions sont différentes, ça peut tout modifier !

- Et modifier quoi ?! Nos futures conditions de vie ?

- Ne commence pas à te plaindre !

- C'est facile pour toi de dire ça ! Tu y étais préparé ! Alors oui, j'ai accepté, non seulement de partir mais également la fatalité de rester plantée ici, mais ça ne veut pas dire que ça me fait plaisir ! »

 

On était tous les deux debout, opposés comme on ne l'avait jamais été. J'avais l'impression qu'on était dans une bulle d'orage, nous séparant du temps magnifique qu'il faisait.

 

« - Parfait ! Dans ce cas tu n'aurais pas dû accepter !

- C'est aussi ce que je me disais, figure-toi ! »

 

Je lui tournai le dos, furieux. De longues secondes d'un lourd silence passaient tandis que je sentais croître en mon cœur le sentiment de culpabilité de m'être emporté.

 

« - J'essaie de trouver une solution, d'accord ?, dis-je plus calmement. Tu ne peux pas savoir à quel point ça me tue de t'avoir embarqué là-dedans. A quel point mon cœur se réduit en cendres à chaque fois que je réalise que je t'ai condamnée. Alors une hypothèse, quelle qu'elle soit, aussi farfelue qu'elle puisse paraître sera toujours une raison de s'accrocher à l'espoir de te faire rejoindre ta véritable vie. Peu importe si le prix est de rester ici. Personne ne souffrira de mon absence étant donné que je serai là-bas, comme je l'ai expliqué à Automne et Scorpius juste avant que l'on ne parte. Le principal pour moi, c'est que tu sois heureuse. »

 

Je ne pouvais m'empêcher d'entendre à des centaines d'années le rire moqueur de Scorpius s'il avait entendu ça. Blanche me sourit tristement, l'air de souffrir du même sentiment de culpabilité et s'approcha doucement de moi.

 

« - Oyez oyez, jouvence y menuaille ! J'ai le pavois de vous bailler que Gale de Haupequain est un homme sorceresse ! »

 

Cassandre venait de crier dans tout le village, perchée sur une estrade qui servait sûrement au messager du seigneur, devant une assemblée curieuse. On y était enfin.

 Juste après la révélation de la sorcière maléfique, les paysans se mirent à crier des jurons et à saisir de toutes parts des fourches et autres lances. Ils semblaient déborder d'un mélange de peur et de colère.

 

« - Il faut se cacher !, m'exclamai-je à Blanche en l'entraînant derrière un massif de fleurs.  Le sortilège nous cache, mais ne nous rend pas invisible pour autant. »

 

Je vis un paysan défoncer la porte de notre chaumière, et me regardai m'enfuir à toutes jambes. Je me souvenais, à ce moment-là, d'avoir ordonné à Blanche de se cacher ; et tout comme dans mon souvenir, elle ne le fit pas et je la vis sortir de la maison, retenue par un paysan voisin -qui devait sûrement nous connaître. Elle pleurait...

 

« - Gale !, s'écria la Blanche à côté de moi en me tirant par la cape. J'ai une idée !

- C'est trop tard, tentai-je de lui dire.

- Et si on sautait dans le Puits ? On est presque invisibles ! Personne ne nous remarquerait !

- C'est vraiment astucieux, mais ce n'est pas possible, objectai-je contrecœur. Que ce soit l'ancien Gale ou l'ancienne Blanche, il y aura forcément quelqu'un dans le Puits du Temps.

- On a bien réussi à venir ici, et pourtant nous étions deux !, insista Blanche.

- Oui, mais on partageait la même destination temporelle, répondis-je. Alors que si on saute dans la Puits où j'ai sauté, ça fera exactement comme si on ne revenait pas puisque l'on renaîtra, etc etc. Et ce sera identique si on saute dans celui où tu as sauté toi-même plus tard puisque tu souhaitais me retrouver.

- J'imagine que tu as raison », soupira-t-elle. 

 

Soudain, un tremblement de terre nous secoua plutôt violemment. Mais il n'y avait bien évidemment aucune surprise.

 

« - Le Puits du Temps », commenta misérablement Blanche en posant sa tête sur mon épaule après que la terre eut cessé de s'agiter.

 

Je me vis échapper de peu à une fourche avant de sauter dans la cavité qui se referma aussitôt mon pied englouti par le tourbillon. Et de un. Environ dix minutes plus tard, alors que nous observions, impuissants, la foule s'agiter, un homme saisit le conte que j'avais fait tomber. Il le lut à voix haute. La seule satisfaction que je pus ressentir en ce moment, ce fut de constater que Gale ne s'était pas rendu compte qu'il avait été modifié et que la fin de l'histoire était telle que je l'avais écrite quelques heures auparavant. Et tel que cela s'était déjà passé, je vis Blanche sortir en trombes de la chaumière, suivie par les sorciers qui ne réussirent pas à la rattraper. Lorsqu'elle s'approcha du Puits, il s'ouvra à nouveau. Je sentis une fraction de seconde une main bien connue me presser le bras. Blanche disparut à son tour dans le Puits, et celui-ci, dans un souffle bleuté, s'évapora à tout jamais.

 

« - J'ai toujours rêvé d'habiter à Scott Valley », dit légèrement Blanche après un long silence.

 

Elle acheva sa phrase en sanglots.

 

                                                                                         OooooooOooooooOooooooOooooo

                                                                                         OooooooOooooooOooooooOooooo

 

                                                                                          EPILOGUE : 4 ANS PLUS TARD...

 

NARRATEUR : AUTOMNE HAYLEEN

 

« - Automne, ne cesseras-tu donc jamais de stresser ?, ricana Scorpius alors qu'il jouait nonchalamment avec un fil de son écharpe.

- Boucle-là, raillai-je avec un sourire en ouvrant mon livre de Métamorphose. C'est le dernier BUSE et il ne faut pas le rater.

- Tu sais très bien que tu ne le rateras pas, soupira-t-il en levant les yeux au ciel. Tu as brillamment réussi tous les autres, comme toujours. Tout comme moi, d'ailleurs. »

 

Il sourit avec un air faussement arrogant. La nervosité quant au BUSE de cet après-midi m'empêchait de plaisanter, mais il n'y avait pas à dire, il me faisait toujours autant rire.

 

« - Où sont Davean et Weasley ? », demanda le Serpentard avec un léger rictus de mépris.

 

Je levai les yeux au ciel à mon tour. Même 3 ans plus tôt, après s'être serré la main -même si c'était sans doute la poignée de main la plus glaciale du monde-, il ne les appelait toujours pas par leur prénom.

 

« - Hugo s'entraîne aux sortilèges avec Ethan dans la Salle sur Demande, répondis-je en insistant sur les prénoms. Ils ont préféré aller dans une autre pièce que celle-ci pour qu'on puisse travailler dans le calme. Enfin, pour que je puisse bosser dans le calme puisqu' apparemment, ce n'est pas que tu fais ?, ajoutai-je d'un ton accusateur.

- Je connais déjà tout, et toi aussi, dit-il sans la moindre once d'irritation vis-à-vis de mon regard noir. A quoi bon se faire fondre le cerveau alors qu'il est en parfait état de marche ? Et ne me dis pas quelque chose du genre « Ce n'est pas pour autant qu'il ne faut pas au moins relire », d'accord ? »

 

Je me tournai vers lui, ébahie. C'est précisément que je voulais dire.

 

« - Pas la peine de me regarder comme ça, rit Scorpius. Ce n'est pas la première fois que je devine ta prochaine phrase. Je commence à bien te connaître,  et ce ne serait pas trop tôt, à la fin de la 5ème année.

- Tu vas quelque part ?, demandai-je en le voyant se lever.

- J'ai faim, donc comme font tous les gens qui ont faim alors qu'ils sont en révisions, je vais aller prendre une pomme, ironisa-t-il d'un ton moqueur.

- Alors, je t'en prie, sers-toi dans le panier au lieu de la piquer à un deuxième année, appuyai-je les sourcils froncés.

- Je ne l'ai fait qu'une fois, protesta-t-il. Et en plus d'avoir l'air d'un abruti, ce gamin m'avait pointé du doigt avec un air horriblement stupide. »

 

Sur cette dernière objection, il sortit de la vieille salle de classe. Enfin seule. Pas qu'il m'énervait, j'aimais beaucoup passer du temps avec lui (un peu trop, d'ailleurs...), mais il y avait une chose que je n’avais pas faite depuis déjà bien longtemps.

Je me dirigeai vers la grande étagère que nous avions installée -enfin, installée était un grand mot : il n'avait fallu qu'un coup de baguette- pour y mettre toutes nos affaires. Les premières choses à y avoir été placées, et ça s'était passé comme un moment historique, étaient les rouleaux de parchemins qui avaient servi à Scorpius pour tenter de trouver une solution  à mon destin funeste. Ça faisait déjà 4 ans...

A ce souvenir, un sourire s'étira sur mon visage. Mais c'était de loin le sourire le moins heureux que je n'avais jamais eu.

 

« - Aparecium », murmurai-je en désignant l'étagère de ma baguette.

 

Une poignée de tiroir apparut sur le côté. Je la tirai et y pris une grande boîte en bois usé. Je l'ouvris. Il y avait une plume blanche que j'avais trouvé dans le parc, des lettres, un gros livre auquel je n'avais pas touché depuis 4 ans et des photos.

J'aimais les photos. Ça me rappelait de bons souvenirs et ça me remontait le moral. Sur trois d'entre elles, j'étais aux côtés d'Ethan et Hugo ; une fois à un match de Quidditch, une autre chez Hugo et enfin, une dernière prise dans le parc de Poudlard. Sur une seule autre, j'étais avec Scorpius. J'aurais aimé que l'on prenne plus de photos ensemble, mais il n'aimait pas les photos. A vrai dire, il n'avait jamais été au courant de celle-ci : c'était une amie qui l'avait prise discrètement, il y a quelques mois, et qui me l'avait ensuite offerte. On me voyait lui dire quelque chose, puis il éclatait de rire avec moi et la scène recommençait. J'adorais cette photo. Ce fragment d'une amitié incassable.

Et enfin, sur une autre photo... Un petit rire triste vint s'ajouter à la larme qui tomba dessus et que je balayai d'un coup de manche. Je ne comprenais pas pourquoi ça me faisait cet effet-là à chaque fois que je pensais à ça. Ce n'était pas, après tout, comme si je ne le voyais jamais. Bien sûr, il n'était plus à Poudlard, mais il m'arrivait de le croiser au Ministère pendant les vacances : j'adorais accompagner Peter à son travail, qui occupait maintenant un poste dans le département des jeux et sports magiques. Par conséquent, de temps à autres, je pouvais l'apercevoir quelques instants, mais il était tellement pressé...

Je reposai la photo dans la boîte et, avec une longue hésitation, en sortit le gros livre. Déjà 4 ans que je ne l'avais pas ouvert. C'était une évidence, pourtant je ressentis une légèrement surprise en touchant sa couverture : toujours aussi rude et pleine de mystères. Je tournai les dernières pages.

 

« [...] Un beau jour, accompagnée de celui dont elle était secrètement éprise, Automne partit explorer une immense forêt. Verdoyante, éclairée et remplie de fleurs, elle respirait le calme et la paix.

Au rythme de la douce musique de la clairière, celui qui faisait balancer le cœur de l'Aigle Triste l'entraîna en une légère danse. Au fur et à mesure que leurs pas parcouraient l'herbe encore humide par la rosée matinale, une aura argentée se formait autour d'eux.

La solitude qu'ils avaient chacun pu ressentir jusqu'ici se dissipa tandis qu'envahissait leur cœur la douceur de leurs sentiments.

Lorsque leurs mains se croisèrent, le voile vaporeux et argenté explosa en une immense sphère lumineuse et la voix d'une enfant en émana.

 

« - Guéris, fruit de la nature, richesse du monde, soigne tes blessures en une douce seconde. »

 

Les maux qui avaient un jour troublé leur vie semblèrent s'envoler, leur cœur se réparer et leurs blessures se refermer à jamais. Ils joignirent alors leur amour en un tendre baiser, heureux comme ils ne l'avaient jamais été.

Et alors que deux âmes sœurs se liaient pour l'éternité, la puissance de leurs sentiments déclencha en ce monde le véritable pouvoir d'Automne Hayleen : évaporer la tristesse de chaque cœur qui se sentait brisé, répandre la bénédiction de l'Aigle partout où l'on en avait besoin ; et bien sûr, donner de l'espoir.

L'espoir que tout peut changer et que rien n'est jamais écrit d'avance. »

 

Un sourire amusé entremêlé d'émotion s'étira sur mon visage. Gale avait été très doué pour écrire une fin qui ne ferait de mal à personne. Même si je n'étais pas particulièrement ravie qu'il ait décidé de tourner le conte à l'eau de rose ; mais le fait que ça ne me plaise pas des masses n'avait strictement aucune importance. Il avait pris le risque de sacrifier sa vie pour moi, et c'était de même pour Blanche.

 

« - Automne ? »

 

Je relevai la tête. Gale était là, sa mallette dans la main, portant encore sa robe de travail.

 

« - Je t'ai envoyé un hibou il y a quelques instants, dit-il sans bouger. Mais il doit avoir du mal à passer par les fenêtres, il n'est pas très doué, Winfrid. Je ne sais toujours pas pourquoi j'ai donné le nom d'un Malefoy à un hibou, celui-ci n'étant pas très futé contrairement à l'homme dont j'ai choisi le prénom. »

 

Il sourit. Quelques infimes instants passèrent avant que je jette le conte sur le bureau et ne me jette dans ses bras.

Je me revis alors, 4 ans plus tôt, me jeter pareillement dans ses bras tandis qu'il revenait du Moyen Âge, trois heures après son départ car le morceau de parchemin sur lequel j’avais écrit la date et l’heure exactes s’était trop usé. Il était revenu avec Blanche, sains et saufs, même s'ils semblaient âgés d'un an de plus. A partir de ce moment-là, mon nom ne fut plus le signe d'un mauvais présage mais un nom qui resta gravé en moi.

 

Car c'est ainsi que je m'appelais : l'Aigle Triste.

FIN.

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